En cette lumineuse après-midi automnale, les hommes s’affairent autour des caravanes : cloutage de planches pour former un auvent, installation d’une bâche plastique pour isoler, calfeutrage des interstices… Sur le terrain nantais de la prairie de Mauves coincé entre le périphérique, la déchèterie et la ligne de chemin de fer, on se prépare à passer l’hiver. Cet été, une étincelle a fait rapidement propager le feu dans les broussailles et plus d’une centaine de personnes ont été relogées temporairement dans un gymnase voisin. Progressivement, elles sont revenues, installant leurs caravanes sur un grand espace caillouteux délimité par une butte de terre et de gravats jouxtant les arbustes encore calcinés. Comme les autres, la famille de Graziella, une jeune fille de 17 ans, a tout perdu dans l’incendie : « Les passeports, les médicaments de mon père… et même mon brevet des collèges. » Pour elle, « l’école, c’est fini », et elle a débuté depuis peu un service civique avec l’association d’éducation populaire des Ceméa (centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active) dans le cadre du programme TinéSol (« Jeunes solidaires » en roumain). Ce dernier vise à accompagner une douzaine de jeunes Français et Roumains vivant ou ayant vécu en bidonvilles dans la construction de leur projet professionnel.
Si Graziella projette de passer son brevet de secouriste et rêverait « d’entrer dans la police », elle s’inquiète surtout ce jour-là des températures qui baissent la nuit dans la caravane qu’elle partage avec ses parents et ses quatre frères et sœurs, des déchets que les artisans du coin viennent déverser sur la zone et des rats qui s’approchent des habitations de fortune. Seuls les branchements et les tuyaux récemment installés par l’ONG Solidarités International permettent un accès à l’eau à différents endroits du terrain. Depuis la crise du covid19, cette question de l’accès à l’eau s’est révélée particulièrement criante sur l’ensemble des terrains occupés de façon illégale et l’ONG a commencé dès le printemps 2020 à installer des points d’accès sécurisés en lieu et place des branchements sauvages sur les bouches d’incendie 1. C’est ainsi qu’aujourd’hui à Nantes, 24 sites ont déjà été raccordés avec une convention signée avec Nantes Métropole, sur la grosse cinquantaine de sites recensés.