En éducation, la bienveillance semble faire consensus. Héritée de la psychologie positive et des neurosciences affectives, elle s’est imposée dans les textes officiels. Depuis 2016, Le Livret des parents diffusé par le ministère de la Famille propose de porter à son enfant « une attention bienveillante ». La notion s’est imposée dans les crèches et lieux d’accueil périscolaires, mais aussi à l’école, où l’on parle du tandem « bienveillance et exigence » (notamment dans la circulaire de rentrée 2014). Mais que signifie être bienveillant ? S’agit-il de laisser à son enfant autant de liberté que possible ? Et comment interpréter le succès actuel de cette notion ?
Selon la chercheuse en sciences de l’éducation Sandrine Garcia, « la bienveillance est une notion molle, faiblement conceptualisée ». Dans son dernier ouvrage, Le Goût de l’effort (2018), elle se demande si le concept ne pourrait pas devenir une « forme de condescendance » consistant à accorder à certains élèves reconnaissance et affection sans vraiment les solliciter sur le plan intellectuel. Au début des années 1960, Hannah Ardent mettait déjà en garde contre une éducation du laisser-faire, rappelant que l’autorité n’est pas la violence : c’est précisément la capacité d’obtenir l’obéissance « sans recourir à la contrainte par la force ou à la persuasion par arguments ». Plus près de nous, le philosophe Yves Michaud voit dans la bienveillance une forme de laxisme où les bonnes intentions remplacent l’action. Il y a une différence entre vouloir le bien de son enfant et l’équiper en vue de son émancipation.