En France, dans les établissements scolaires, la violence semble se manifester de plus en plus souvent et de plus en plus intensément. Il est cependant difficile de faire la démonstration chiffrée d’une augmentation effective de ces situations de violence. En effet, celle-ci peut être liée à une plus grande sensibilité des familles, de l’école et des médias à ce phénomène.
Si on analyse les données de la littérature reprenant par exemple le pourcentage d’élèves qui s’estiment victimes ou impliqués dans une situation de harcèlement* 1, celui-ci peut varier de 10 à 20 %. Les chiffres n’ont donc, de ce point de vue, pas beaucoup de sens.
En revanche, les faits répertoriés sont révélateurs de la façon dont les violences se manifestent. La récurrence des situations dans lesquelles un élève est passé à tabac par une meute qui s’est donné rendez-vous sur les réseaux sociaux pour piéger la victime constitue l’indice d’une modalité à la fois plus brutale et plus spectaculaire des formes contemporaines de violence scolaire.
L’école, parce qu’elle est à la fois le miroir de notre société et l’incubateur de son avenir, ne peut demeurer insensible. Comment faire face à ce trouble qui menace les fondations de l’école ? Il la rend invivable pour ceux qui le subissent – notamment lorsqu’il prend la forme de situations de harcèlement –, et pèse sur ses murs chaque fois qu’un membre de la communauté scolaire – directeur d’école, enseignants ou élèves – se sent menacé dans sa sécurité physique et psychologique.
Le programme « PHARE »
En France, des mesures de sensibilisation ont été adoptées. Toutefois, de nombreuses initiatives véhiculent soit une vision partielle du phénomène de harcèlement, soit une méconnaissance profonde des mécanismes qui fondent ces situations. Parmi une des plus récentes, le programme « pHARe », lancé en 2021 et généralisé à tous les établissements scolaires du primaire au lycée depuis la rentrée 2023, est inspiré de la méthode de préoccupation partagée. Cette méthode, venue de Norvège, suppose de mettre les harceleurs face à leurs responsabilités en leur demandant, dans un entretien en face à face, de se préoccuper, tout autant que l’adulte qui les interpelle, de l’état dans lequel se trouve celui qui est la cible de l’agression.
Cette technique n’a pas fait ses preuves en France pour aborder les situations de cyberharcèlement. Néanmoins, elle a permis d’obtenir de bons résultats dans les pays du Nord de l’Europe dans lesquels le statut de l’enseignant est mieux considéré qu’en France ou en Belgique.
Cette corrélation entre le statut de l’enseignant et son pouvoir de mettre les élèves face à leurs responsabilités s’explique aisément : il est incontestablement plus facile d’imposer une attitude responsable quand on se sent soi-même respecté par les élèves et par leurs familles parce que le statut dont on dispose ne risque pas d’être remis en question ni par les uns ni par les autres. On peut dès lors regretter que la « boîte à outils » fournie aux écoles soit en réalité composée d’un seul outil et que l’autonomie des directeurs d’école et des enseignants ne leur permette pas de choisir, parmi d’autres options, celles qui leur conviennent le mieux.