Burrhus Skinner Les lois du comportement

Fervent promoteur de la psychologie béhavioriste et de ses applications dans le monde de l’éducation et des thérapies, Burrhus F. Skinner est considéré comme l’un des psychologues les plus influents du 20e siècle.

« Si nous voulons utiliser les affaires de la science dans les affaires humaines, nous devons supposer que le comportement peut être décrit par des lois et qu’il est déterminé. » Avec son ouvrage phare Science et comportement humain publié en 1953, Burrhus Skinner apporte une pierre angulaire à ce nouveau paradigme en psychologie qu’est le béhaviorisme (de l’anglais behavior, comportement). Initiée par le psychologue américain John Watson au début du 20e siècle, cette science cherche à expliquer le comportement humain non plus à partir d’états mentaux internes, mais par des variables environnementales observables et mesurables. Contrairement à la psychologie mentaliste dominante à l’époque, qui se fonde sur l’étude de la conscience à partir du récit subjectif de la personne, le béhaviorisme se veut une science objective et expérimentale. Il ne s’intéresse pas à l’introspection, qu’il tient pour de la spéculation hasardeuse. L’accès aux processus internes étant jugé impossible, il se concentre sur les processus d’apprentissage. Selon les béhavioristes, nos différents comportements et habitudes sont appris au cours du développement et deviennent ensuite des automatismes. Le psychologue américain Edward Thorndike formule la loi de l’effet, selon laquelle un comportement s’inscrit dans la durée lorsqu’il est suivi de conséquences favorables ou de feedbacks positifs de l’environnement.

Des rats en boîte aux comportements humains

Dans l’esprit du béhaviorisme, les conduites humaines ne seraient pas le résultat de décisions volontaires et mûrement réfléchies, mais de conditionnements. « Cette possibilité est offensante pour beaucoup de personnes. Elle est à l’opposé d’une longue tradition qui voit en l’homme un acteur libre, dont le comportement résulte, non d’antécédents précis, mais de modifications intérieures spontanées », écrit Skinner. Les individus ne seraient donc pas libres de leurs actes, mais contrôlés par leur environnement.

Dans ses premières expériences, Skinner part du conditionnement répondant d’Ivan Pavlov. Ce physiologiste russe avait observé la réaction de salivation chez des chiens à qui il avait présenté de la nourriture. En associant un stimulus neutre (par exemple le son d’une cloche, ou une lumière) à la présentation de la nourriture, le chien finit par saliver à la seule présence du stimulus auditif ou visuel. Il anticipe donc l’arrivée de la nourriture. À ce schéma de « stimulus-réponse », Skinner ajoute un troisième facteur non pris en compte par Pavlov, le renforcement. En s’appuyant sur les travaux de Thorndike, Skinner développe le concept de conditionnement opérant. Son principe est éminemment simple : le comportement d’un sujet fait réagir l’entourage (positivement ou négativement), ce qui, en retour, favorise ou inhibe sa reproduction. Il conçoit une cage équipée d’un système de levier dans laquelle il met un rat. Au départ, le rat tourne aveuglément dans la boîte, puis finit par appuyer par hasard sur le levier. Une boulette de nourriture tombe dans la mangeoire (renforcement positif). L'animal reproduit alors ce geste à plusieurs reprises plus ou moins par hasard jusqu’à intégrer le lien entre la nourriture et le levier. Il finit par appuyer systématiquement sur le levier à chaque sensation de faim. Ensuite, Skinner modifie le dispositif. Le rat reçoit maintenant un choc électrique lorsqu’il appuie sur le levier (punition). Conséquence : il s’arrête. Skinner différencie ainsi quatre formes de renforcement possibles : par l’apport d’un stimulus positif (récompense, félicitations…) ou au contraire négatif (brimade, punition…), par le retrait d’un élément agréable (un jouet, une friandise…) ou bien par le retrait d’un stimulus désagréable (un son strident, une lumière vive, une punition…). Deux types de renforçateurs sont susceptibles d’encourager les individus : les renforçateurs primaires présents à partir de la naissance (la nourriture, la chaleur, l’oxygène, le contact physique…) ; les renforçateurs secondaires acquis au cours du développement (les félicitations, les surprises, l’argent…). Il suffirait alors d’encourager les comportements souhaités par des récompenses et de refréner les comportements problématiques par des stratégies de découragement pour remettre la personne sur la bonne route. Nombre d’enseignants utilisent ce principe de renforcement à l’école. En primaire par exemple, au fur et à mesure de leurs acquis (scolaires ou comportementaux), les enfants peuvent gagner des bons points (des jetons, des feux verts, etc.). Lorsqu’ils en ont accumulé un certain nombre, ils peuvent les échanger contre une image ou un petit jouet. Ce système appelé « économie de jetons » est censé motiver l’enfant pour l’impliquer davantage dans les apprentissages.