Entretien avec Nadège Mézié

Cartographier les territoires du Diable

Pour les évangéliques américains, les pays non chrétiens sont en proie au  Démon. Mobilisant les  outils de la géographie, l’entreprise missionnaire endosse les habits neufs de  la  modernité afin de visualiser ses objectifs…

En étudiant les pratiques missionnaires aux États-Unis, votre attention s’est portée notamment sur le spiritual mapping. En quoi cela consiste-il ?

Au début des années 1990, des évangéliques américains de la mouvance charismatique ont focalisé leur attention, non plus tant sur les individus que sur des territoires supposés être en proie à des esprits diaboliques. Une cartographie spirituelle, le spiritual mapping, a été élaborée en déterminant les zones attachées au Diable et à ses démons, grâce à l’étude détaillée des caractéristiques religieuses, historiques, sociales, etc., desdites zones, en vue de les libérer par des actions spirituelles comme des marches de prière, une implantation d’église… Le spiritual mapping doit permettre de gagner au christianisme des institutions, des quartiers et même des villes. Cette approche, que je qualifie de « surnaturelle », n’est employée que par une minorité des évangéliques. Pour autant, les autres évangéliques n’ont pas renoncé à l’élaboration et à l’usage de cartes. Seulement, ils envisagent le spiritual mapping comme une géographie réaliste permettant d’élaborer des stratégies missionnaires en fonction de la localité ciblée par l’action apostolique. Nous avons donc là une version « réaliste » ou « scientifique » du spiritual mapping, dont le Joshua Project nous fournit un exemple.

« Les évangéliques cartographient le monde. Le spiritual mapping »Nadège Mézié, , n° 142, avril-juin 2008.