À l’approche du troisième anniversaire de la diversement appréciée loi Hadopi, on est tenté de se demander ce qu’elle devient, tant elle semble avoir sombré dans le marigot des dispositions inappliquées. Eh bien, pas tant que cela. Le bilan publié par Thierry Pénard, de l’université Rennes-I, porte essentiellement sur la question du téléchargement illégal, et sur les résultats du système de « réponse graduée », qui n’a commencé de fonctionner qu’en octobre 2010. Or, en une seule année (2010-2011), il s’avère que 770 000 internautes ont reçu une première lettre d’avertissement leur enjoignant d’arrêter le peer to peer, 65 000 en ont reçu une seconde, et 160 seraient sous le coup d’une possible décision de justice (amende et suspension d’accès Internet). Mais aucun n’a encore été vraiment sanctionné. Ce qui n’est pas un signe d’échec : comme le remarquent Michaël Majster, Sophie Goossens et Alice Giran, la loi Hadopi visait surtout à être dissuasive et pédagogique. A-t-elle réussi sur ce plan ? Oui et non. Des sondages réalisés en mai 2011 montraient que 72 % des internautes visés par un avertissement avaient modifié leurs habitudes : 50 % ont arrêté le téléchargement illégal, 22 % ont diminué leur consommation. C’est un résultat honorable, même si les 28 % restants continuent comme avant. En revanche, la promulgation d’Hadopi est loin d’avoir impressionné la grande masse des internautes téléchargeurs, qui n’ont d’abord renoncé que très marginalement au peer to peer, puis se sont reportés en nombre sur d’autres modes d’accès gratuit aux œuvres non prévus par la loi (streaming et sites d’hébergement). Pour ceux que ce petit jeu agace (l’industrie du disque a perdu 50 % de son chiffre d’affaires entre 2003 et 2008), il est possible de se consoler en relevant que, dans le même temps, la consommation légale (c’est-à-dire payante) a connu une progression sensible, 34 % des internautes ayant déclaré, en mai 2011 y avoir recours. Autrement dit : il est possible qu’en serrant encore un peu plus la vis, une partie importante des geeks accepte l’idée de payer plus souvent leur copie. Une nouvelle version d’Hadopi est en préparation…