Les maladies infectieuses sont les compagnes éternelles de l’histoire humaine. Paludisme et lèpre ont accompagné les errances des premiers Homo. Mais c’est il y a dix mille ans, quand les humains ont domestiqué le vivant, qu’ils ont commencé à altérer massivement les pathocénoses, ces communautés écosystémiques que les sociétés créent avec les microbes. La révolution agricole, dite aussi néolithique, a en effet permis aux pandémies, maladies contagieuses de masse, de devenir communes. Au lieu de frapper de petites communautés éparpillées de chasseurs-cueilleurs, les pathogènes pouvaient conquérir de nouveaux milieux. En effet, la croissance de la production alimentaire, obtenue par l’agriculture, faisait reculer les forêts, brisait les écosystèmes, et surtout entraînait la sédentarisation, l’essor et la concentration de populations de plus en plus importantes. Celles-ci accumulaient les ordures, résidaient de façon permanente près des points d’eau, et attiraient les vecteurs de maladies tels les moustiques et les poux. De plus, la coexistence avec des animaux (volailles, porcs…) offrait aux microbes un réservoir précieux. Elle multipliait les occasions de se propager d’un hôte à l’autre, de muter pour mieux se diffuser. La variole comme la grippe, fléaux formidablement meurtriers, sont nées de ces brassages opérés autour des premiers villages, devenus villes puis États. Il y a cinq mille ans, Uruk, en Mésopotamie, alors la plus importante métropole du monde, est décimée par une fièvre.