Ce que sourire veut dire

Sourire. Anthropologie de l’énigmatique, David Le Breton, Métaillié, 2022, 224 p., 21 €.

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Le sourire est-il un sous-rire ? L’étymologie latine, sub-rideo, pourrait le laisser croire. À moins qu’il s’agisse d’un rire dissimulé, par en dessous ? Méfions-nous de l’étymologie. La langue anglaise distingue radicalement rire (laughter) et sourire (smile) : pas la moindre racine commune, pour nos voisins d’outre-Manche, entre l’un et l’autre. L’anthropologue David Le Breton serait plutôt de cet avis, comme on le verra dans ce joli petit livre empruntant autant aux sciences sociales qu’à la littérature et à l’histoire de l’art. Le sourire, remarque D. Le Breton, brille d’abord par sa plurivocité. Il en existe autant de nuances que d’états d’âme : malicieux, mystérieux, en coin, carnassier, béat, poli, ingénu, rêveur ou séducteur. C’est l’indice d’une interaction sociale heureuse, le témoin de la joie tranquille d’être ensemble. Mais un sourire ne se réduit jamais à une interprétation simple. Il recèle toujours une part de mystère. C’est un seuil, une porte qui s’entrouvre vers l’intériorité de l’autre et nous offre en retour un signe de reconnaissance : « Il ouvre le chemin et nous donne le sentiment d’exister en étant à sa place dans le monde. » Le rire est plus bruyant : dionysiaque, il éclate, met le corps en branle, met hors de soi. Le sourire, plus apollinien et subtil, relève du visage qu’il spiritualise et sublime. C’est celui de la mère, de l’ami, de l’amant… Il touche, comme la voix, au cœur de l’identité.