L’été a pris ses quartiers et les rues du centre-ville de Chartres, dominées par la flèche de la cathédrale, bourdonnent de monde. Les touristes anglais, allemands ou américains se mêlent aux locaux venus profiter des soldes. Dans les ruelles interdites aux voitures, ils ont tout le loisir d’admirer les vitrines. Contrairement à beaucoup de villes moyennes, la préfecture eurélienne surprend par son dynamisme. Elle compte « 800 commerces pour 38 000 habitants, soit un commerce pour 49 habitants, contre 83 habitants en moyenne dans les villes de taille comparable », expose fièrement Guillaume Bonnet, adjoint au maire chargé du Commerce et de l’Amélioration du cadre de vie. Quant au taux de vacance, principal indice des difficultés du commerce, il ne dépasse pas 8 % à l’échelle de l’agglomération (136 800 habitants répartis sur 66 communes) et seulement 4,5 % dans le centre.
Le centre-ville concentre les trois quarts de l’activité du petit commerce. On y trouve aussi bien des indépendants que des franchisés et des succursales, un équilibre qui assure une certaine attractivité. La santé-beauté, les loisirs créatifs et culturels, avec la Fnac et la librairie L’Esperluète, beaucoup d’opticiens (connus pour leur rentabilité) et la restauration (voir encadré ci-dessous) se portent bien…
À Chartres, en face du portail Sud de la cathédrale, le Café bleu est tenu par Antoine et Fannie Brethereau. C’est une institution. Le couple, qui sert une cuisine de brasserie de bonne facture, a dépassé son niveau d’activité précovid. Sur sa lancée, il a ouvert en juin 2022, le café Cobalt, et vient de racheter la librairie voisine, fermée pour cause de retraite, afin d’agrandir sa terrasse. Les ingrédients de cette bonne santé ? Son emplacement imprenable et « Chartres en lumières ». Le son et lumières, monté pour retenir les visiteurs qui ne faisaient que passer, semble porter ses fruits.
C’est le volet événementiel d’un vaste plan de dynamisation du centre-ville amorcé voilà vingt ans. Piétonnisation, ouverture de parkings souterrains, requalification des espaces publics, création d’infrastructures culturelles, réunion des services administratifs, développement de l’événementiel… : la ville, qui attend encore la livraison d’un complexe culturel et sportif de 4 000 places, a pris un coup de jeune. « Tout cela a contribué à ramener beaucoup de monde en centre-ville et à redynamiser le petit commerce », se félicite G. Bonnet.
Un changement de paradigme
L’exemple chartrain est emblématique d’un changement majeur dans la manière d’appréhender le commerce dans les territoires. Après des décennies de développement des zones commerciales périphériques autour de la grande surface, les villes voient depuis une quinzaine d'années la nécessité de défendre le petit commerce de centre-ville. Car au-delà de sa fonction d’approvisionnement (proposer un produit ou un service au bon endroit au bon moment), le commerce de proximité valorise le territoire, contribue à l’activité touristique des villes et favorise le lien social. Autant de facteurs qui expliquent l’attachement des habitants à ces boutiques.
Ainsi de nombreuses villes se sont-elles lancées ces dernières années dans de vastes plans de relance misant à la fois sur la rénovation de l’habitat, la requalification de l’espace public et la recommercialisation. L’enjeu n’est pas seulement économique, mais aussi social. Il s’agit de recréer une véritable ambiance de centre-ville. « Si les gens se déplacent en centre-ville, c’est parce qu’ils vivent une expérience qu’ils ne vivent pas en ligne. Ils veulent pouvoir se promener dans une ambiance apaisée, des lieux pour se poser et socialiser », analyse Sébastien Bourdin, professeur de géographie économique à l’EM Normandie Business School.