Cicéron, le savoir rhétorique

Ce penseur de l’Antiquité s’est imposé par son art du discours et de la critique qu’il a appliqué en tant qu’avocat, homme politique et philosophe.

Il est permis d’avoir recours à quelque douce réprimande, en y joignant toutefois l’air grave qui doit accompagner la sévérité, et qui éloigne l’outrage du mépris. Il faut même faire voir que tout ce qu’il y a d’amer dans le reproche, n’y a été mis que pour l’avantage de celui qui le reçoit » (Des devoirs, I, 137).

Le ton polémique et la confrontation sont au cœur de la vie et de l’œuvre de Cicéron. Que ce soit en tant qu’avocat, homme politique ou philosophe, il n’hésite pas à prendre la parole et à débattre, en particulier lorsqu’il est en désaccord avec les événements politiques en cours, ou avec les positions doctrinales qu’il expose. Et pour cela, l’usage de la parole, en politique comme en philosophie, est primordial.

Les actions de Cicéron en faveur du respect des institutions en place font de lui une figure importante de la fin de la République romaine : « Mon idée, mon opinion, ma certitude est celle-ci : il n’existe aucun système politique qui mérite d’être comparé, soit par son organisation, soit par sa division des pouvoirs, soit par sa tradition gouvernementale, avec celui que nos pères nous ont laissé, après l’avoir reçu eux-mêmes de nos ancêtres » (De la république, I, XLVI).

Cicéron défend tout au long de sa carrière politique les institutions traditionnelles de la République, fondées sur l’autorité du Sénat, le respect des lois et l’équilibre entre les différentes classes dirigeantes : deux consuls élus pour un an exercent le pouvoir suprême et commandent les armées, sous le contrôle du Sénat ; les sénateurs s’occupent des finances de Rome et de la politique étrangère ; les assemblées populaires, enfin, promulguent les lois et élisent les magistrats. Dans ses discours comme dans ses textes de philosophie politique, écrits entre - 54 et - 51 (La République ; Traité des lois), Cicéron prend comme point de départ ce modèle de la République romaine pour discuter de la constitution politique idéale. Elle est un exemple d’harmonie entre les différents pouvoirs : un pouvoir monarchique (les deux consuls), un pouvoir aristocratique (le Sénat) et un pouvoir démocratique (les assemblées populaires). C’est pour préserver cet équilibre entre les pouvoirs que Cicéron s’oppose, tout au long de sa carrière, à ceux qui, comme Marc Antoine, veulent rompre cet équilibre et renforcer leur propre pouvoir au détriment des autres.

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Avocat et orateur politique

Auteur d’environ 150 discours (dont 58 ont été conservés), la carrière oratoire de Cicéron s’étend sur quarante ans. Avocat et orateur politique, il prononce non seulement des discours judiciaires devant les tribunaux, mais aussi de nombreuses harangues politiques devant le Sénat ou devant le peuple. Puisque le régime républicain repose sur l’usage institutionnel de la parole, Cicéron est convaincu que la rhétorique a un rôle à jouer dans la défense des institutions et dans le bon fonctionnement de l’État. Que ce soit au Sénat, haut lieu de l’éloquence romaine, devant le peuple, en vue de l’élection des magistrats et pour le vote des lois, ou encore devant les tribunaux, la vie politique romaine exige de savoir maîtriser la parole. L’éloquence est donc l’une des conditions du pouvoir, ce qui explique à la fois l’importance de la rhétorique dans l’éducation romaine, et l’influence de Cicéron sur la vie politique de son temps.