Classes prépas, la fabrique des élites

Malgré la hausse des effectifs, les classes préparatoires aux grandes écoles demeurent élitistes tant par leur recrutement que par leur fonctionnement.

Les accusations aujourd’hui répandues « d’élitisme » des classes préparatoires amalgament souvent de manière simpliste sélection et fabrication des élites. Or il y a bien deux questions à poser : les classes préparatoires fabriquent-elles l’élite, ou ne font-elles que la sélectionner ? Le travail fondateur de Pierre Bourdieu (et Monique de Saint-Martin) dans La Noblesse d’État (1989) portait de ce point de vue non pas un, mais deux coups à l’idéologie méritocratique. Il démontrait d’une part l’élitisme évident, indissociablement scolaire et social, du recrutement des élèves de classes préparatoires. Il avançait aussi que leur fonction tenait davantage à cette sélection, et à la consécration de la population ainsi sélectionnée (la « fonction sociale », de production d’une noblesse, des classes préparatoires), qu’à la formation des élèves (leur fonction technique d’apprentissage).

Les statistiques disponibles année après année montrent la permanence d’un recrutement biaisé vers le haut de l’espace social, qui parachève des inégalités devant l’école opérant tout au long de la trajectoire scolaire. Plus de la moitié des élèves (et même plus des deux tiers dans certaines filières) sont issus de familles dont les parents (cadres ou professions intellectuelles supérieures) ne constituent que moins d’un sixième de la population active, et les enfants d’ouvriers ne composent que de 2 à 6 % des effectifs préparatoires. Qu’enseignants ou élèves puissent avoir l’impression d’un recrutement « diversifié » n’empêche pas l’écrasante vérification, au niveau national, de l’élitisme social de la jeunesse préparatoire. Les objectifs d’accueil d’élèves boursiers, les dispositifs d’ouverture sociale, ou les « prépas atypiques », ne remettent pas fondamentalement ce constat en cause : les élèves qui choisissent et sont choisis par ces dispositifs détiennent des « dispositions adéquates », des « petits héritages, une bonne volonté culturelle ou une attitude disciplinée » préalablement et familialement acquis, explique le sociologue Paul Pasquali.