Claude Lévi-Strauss, le tourneur de pages

Qu’on admire en lui le poète, l’ethnographe ou le théoricien un peu scientiste du structuralisme, Claude Lévi-Strauss occupe dans le paysage intellectuel la place exceptionnelle de l’homme qui a fait bouger les idées.

Qui est Claude Lévi-Strauss ? Assurément, l’anthropologue traduit dans le plus grand nombre de langues au XXe siècle et, dans la mémoire collective, un père fondateur du structuralisme. Mais il est aussi, à l’échelle de notre pays, le premier de sa spécialité à avoir occupé un fauteuil à l’Académie française. C’est pourquoi, sans doute, à l’heure de célébrer discrètement son centième anniversaire, les commentateurs penchent volontiers du côté de la dimension littéraire de son œuvre, moins sujette aux intermittences des doctrines et aux modes que peut l’être un projet scientifique et intellectuel.

Pourtant, comme l’explique son biographe (1), C. Lévi-Strauss a rarement revendiqué cette posture. En 1956, mis sur la sellette par le succès de son Tristes tropiques, il est la cible de critiques universitaires. On lui tend le micro et ce qu’il livre est une défense de sa profession d’ethnologue : « Toujours en deçà et au-delà de l’humanisme traditionnel, l’ethnologie le déborde dans tous les sens. Son terrain englobe la totalité de la terre habitée, tandis que sa méthode assemble des procédés qui relèvent de toutes les formes du savoir : sciences humaines et sciences naturelles. » C’est d’une grande ambition.

(1) Denis Bertholet, , Plon, 2003.