Alors que la plupart des sociologues décrivaient la banlieue com-me un monde fait de souffrance, d'exclusion, de délitement du lien social, David Le- poutre proposait quant à lui un tout autre regard. Le jeune ethnologue a vécu deux ans dans la cité des 4 000 à La Courneuve, au début des années 90.
Dans la veine des belles monographies de l'école de Chicago, il décrit les micro-univers des bandes de jeunes adolescents qui se sont approprié à leur manière le « coeur de la banlieue ». Samir, petit caïd sympathique qui s'est fait exclure plusieurs fois de son collège, l'aidera à pénétrer dans une bande qui fait la loi dans un des quartiers de sa cité.
Car si, vus de l'extérieur, les bâtiments, les blocs se suivent et se ressemblent dans leur affligeante tristesse, l'occupation du territoire par les bandes est un premier trait marquant de la cité. L'espace est quadrillé par des frontières imaginaires et Lepoutre s'est attaché justement à explorer les modes d'appropriation de l'espace (prise de possession de certains lieux, définition des territoires « ennemis », mythologie et symbolique associées à certains lieux). Il s'intéresse ensuite aux différentes relations entre jeunes : relations interethniques, relations personnelles, groupes de pairs. Dans ces relations, les jeux de langage tiennent un rôle essentiel : verlan, langage obscène, joutes oratoires, insultes.
Lepoutre consacre une partie de son ouvrage aux échanges marqués par la violence : rixes, bagarres, vengeances, confrontations ludiques. Dans ces relations conflictuelles, l'honneur, la réputation et le « respect » tiennent une place centrale.