Les transclasses, traîtres ou héros ?

« Trahir » sa classe d’origine pour mieux la « venger » ? Décerné en 2022 à Annie Ernaux, le Nobel de littérature a fait résonner « la voix des transfuges de classes », lisait-on alors dans le quotidien 20 Minutes. C’est un constat différent, plus subtil, qu’établit la linguiste Laélia Véron avec sa collègue Karine Abiven. S’étonnant de la fortune publique d’un terme autrefois réservé aux sociologues adeptes de Pierre Bourdieu, elle note que les jurés de Stockholm semblent « canoniser le récit des transfuges de classes », ces individus issus d’une famille populaire et ayant connu une forte ascension sociale. Parmi ces récits, outre l’œuvre complète d’Annie Ernaux, on retrouvera, entre autres, Retour à Reims de Didier Éribon (Flammarion 2009), Pour en finir avec Eddy Bellegueule et Changer : méthode d’Édouard Louis (Seuil, 2014 et 2021), Comme nous existons de Kaoutar Harchi (Actes Sud, 2021) ou encore Se ressaisir de Rose-Marie Lagrave (La Découverte, 2021).