Il y a trente-cinq ans, François Dolto, pédiatre et psychanalyste, usait de la métaphore du homard pour décrire le passage de l’adolescence. L’adolescent est celui qui commencerait sa mue, aurait perdu sa carapace et pas encore fabriqué sa nouvelle cuirasse, avec pour conséquences de tantôt se replier sur lui-même pour se protéger, tantôt attaquer, toutes pinces dehors. Philippe Jeammet, psychanalyste, psychiatre et auteur de Grandir en crise (2015), définit d’abord l’adolescence comme « un phénomène physiologique : elle correspond à la puberté, un moment où le corps se transforme, où l’enfant devient un adulte ». Le processus physique, mais aussi identitaire qui se met en route, entraîne une opposition au modèle parental, parfois à grand renfort de provocations. « L’adolescent doit déboulonner ses idoles et tester leur résistance pour trouver sa façon d’être à lui. Bousculer – plus ou moins – ses parents fait partie du processus d’autonomisation à l’œuvre à l’adolescence », ajoute Marie-Rose Moro, directrice de la maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris et auteur de l’ouvrage Les Ados expliqués à leurs parents (2015).
Mais qu’en est-il de la crise d’adolescence dans le contexte actuel ?
La puissance paternelle est abolie depuis les années 1970, l’autorité parentale conjointe s’y est substituée et elle n’est plus un droit absolu et illimité puisqu’elle s’arrête là où commencent les droits de l’enfant, officiellement reconnus depuis 1989. La prise en compte des émotions, la possibilité de les exprimer, le droit à revendiquer ses goûts et sa personnalité ont transformé les relations entre parents et ados. Les portes qui claquent, le refus de toute autorité, l’impossibilité de dialoguer, la révolte tapageuse ne sont plus systématiques, au point que nombre de parents s’inquiètent de ne pas voir venir la crise tant redoutée !