Comment dit-on utopie en chinois ?

Une fois traduit en chinois, le concept d’utopie est négativement perçu. Pourtant, il a existé en Chine, comme ailleurs.

Depuis la Callipolis de Platon et l’Utopia de Thomas More, en passant par l’abbaye de Thélème dans le Gargantua de Rabelais, l’utopie est de longue date un genre à part entière en Occident. En est-il de même dans la culture chinoise ? La réponse doit être nuancée selon qu’on la place au niveau littéraire ou psychologique.

La traduction en chinois du titre de l’ouvrage de T. More, (prononcez wū tuō bāng) dépasse l’idée neutre de « en aucun lieu ». Elle penche plutôt vers une perception négative puisqu’elle signifie littéralement bāng : le pays (auquel) wū : on ne peut pas 1 tuō faire confiance. Ce sentiment semble être confirmé par des expressions du langage courant correspondant à utopie, par exemple kōng xiǎng : utopie, fantaisie, abstraction, chimère (littéralement : xiǎng : idée kōng : vide) ; ou bien encore qí xiǎng : chimère, utopie (litt. : xiǎng : idée + qí : étrange, fantastique). Pourtant, la tradition chinoise abonde en manifestations d’un idéal utopique. On peut en trouver l’origine chez Confucius (- 551/- 479). On lit dans ses Entretiens : « Gouvernez à force de lois, maintenez l’ordre à force de châtiments, le peuple se contentera d’obtempérer sans éprouver la moindre vergogne. Gouvernez par la vertu, harmonisez par les rites, le peuple connaîtra la honte et se tournera de lui-même vers le bien. » Et aussi : « La vertu n’est jamais solitaire, on fait cercle autour d’elle. » Mais le grand sinologue René Étiemble répliquait que si « on peut reprocher (à Confucius) son extrême générosité et la naïveté de son projet, ce sont bien les utopies qui font avancer le monde 2 ».