Comment la question animale s'est imposée

À partir des années 1990, la défense des animaux est montée en puissance, aussi bien dans le monde intellectuel que dans les milieux associatifs.

L’irruption de la question animale dans le débat public constitue un phénomène social et culturel marquant des dernières décennies. Pas un jour ne passe en effet sans que l’on débatte de la légitimité de l’élevage, des violences qui s’exercent dans les abattoirs, des conditions de vie des animaux exhibés dans les cirques ou les delphinariums mais aussi des actions parfois spectaculaires menées par certains militants véganes ou antispécistes contre des boucheries ou des fromageries. Si les questions morales portant sur nos éventuels devoirs envers les animaux sont aussi anciennes que notre civilisation, elles se posent aujourd’hui plus instamment que jamais alors qu’elles étaient très discrètes dans le débat public il y a trente ans.

Des débuts difficiles

En 1990, aucune association de protection des animaux ne prône ni n’oserait prôner l’abolition de leur exploitation. La Société protectrice des animaux (SPA), fondée en 1845, se consacre à la défense des animaux de compagnie. Brigitte Bardot a porté l’attention du grand public et des responsables politiques sur le sort des phoques, notamment, mais sa fondation ne dit mot des droits qu’auraient les vaches, les poules ou les moutons à ne pas être assujettis et tués. L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs et la Ligue française des droits de l’animal se concentrent quant à elles sur le sort des animaux de boucherie mais sont peu connues du grand public. Le Grand Massacre (1981), l’ouvrage remarquable et terrifiant que l’essayiste Michel Damien, le lauréat du Nobel de physique Alfred Kastler et le professeur de médecine Jean-Claude Nouët ont consacré à l’élevage industriel, n’a pas reçu l’accueil qu’il aurait sans doute dû recevoir.