Qu’est-ce qui vous a amené à aborder le problème de la disparition brusque des civilisations ?
Tout simplement, c’est le sujet le plus fascinant et le plus crucial que je puisse imaginer. C’est un sujet qui m’a toujours intéressé, à la manière dont beaucoup de gens s’émeuvent pour les ruines de sociétés disparues, celles des cités mayas envahies par la jungle, celles des villages monumentaux des Anasazis du désert américain. C’est ce côté mystérieux qui m’a attiré. Et puis le phénomène soulève aussi une question intéressante : pourquoi certaines sociétés s’effondrent-elles, alors que d’autres se maintiennent pendant des milliers d’années ? Enfin, c’est un sujet très important aujourd’hui. Beaucoup de nos problèmes actuels sont les mêmes que ceux qui ont détruit les sociétés du passé. Quelles leçons pouvons-nous en tirer ? Nous ne sommes pas obligés de répéter les mêmes erreurs, nous pourrions apprendre à faire face.
Vous écrivez en introduction que vous êtes parti avec l’idée d’étudier les désastres écologiques. Mais n’avez-vous pas changé d’orientation en cours de route ?
Oui, c’est un fait, j’ai dû changer. J’ai constaté en effet qu’il n’existait pas d’exemple de pur désastre écologique. Le cas de l’île de Pâques est sans doute celui qui s’en rapproche le plus, mais il reste qu’une question se pose : pourquoi les Pascuans ont-ils abattu les arbres de l’île ? Pourquoi ont-ils fait ce genre de bêtise ? L’élément humain est toujours impliqué dans ces phénomènes. Dans la plupart des cas, en dehors de l’île de Pâques, on trouve un mélange d’action humaine, de changement climatique et d’autres causes aussi : souvent, ce sont des ennemis qui profitent de l’affaiblissement d’une société pour l’attaquer. Il y a aussi des cas où ce sont des alliés ou des partenaires d’échanges commerciaux qui déclinent et s’effondrent, de telle sorte que même si une société gère bien son environnement, elle finit par être atteinte par les problèmes de ses voisins. Et puis, au bout du compte, tout dépend de la manière dont les hommes parviennent ou non à maîtriser ces problèmes. En bref, plus j’ai compris de choses, plus le tableau s’est compliqué.