Comment Napoléon rêva l'Europe

Les guerres amènent l’empereur des Français à réorganiser l’Europe. 
Ce nouvel ordre européen, en partie fondé sur les principes de la Révolution française, 
doit asseoir la puissance française sur le continent.

« Nous avions pour but d’organiser un grand système fédératif européen (…) favorable aux progrès de la civilisation. » C’est ainsi que Napoléon, à peine revenu de l’île d’Elbe au printemps 1815, définit la politique européenne qu’il mena durant quinze ans. Bercé par la philosophie des Lumières, passionné par l’histoire de l’Antiquité romaine, Napoléon a incontestablement une ambition pour la France et pour l’Europe. Cette vision, développée plus tard dans ses mémoires rédigés en exil puis publiés sous le titre Mémorial de Sainte Hélène, s’inscrit pleinement dans l’esprit du siècle.

Mais la réalité est plus complexe. La construction progressive de l’Europe napoléonienne semble davantage répondre à des objectifs stratégiques qu’à un vaste plan préétabli de fédération continentale. Lorsque le général Bonaparte s’empare du pouvoir le 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799), la France révolutionnaire est en guerre contre les grandes monarchies européennes depuis plus de sept ans. Un conflit d’un genre nouveau oppose alors deux visions politiques radicalement différentes : l’une fondée sur l’idéal républicain, l’autre sur l’Ancien Régime. Pour assurer sa survie, la jeune République française, menacée de toutes parts, est rapidement amenée à exporter ses principes et son modèle dans les pays voisins, en particulier sous le Directoire (1795-1799). La « Grande Nation » s’entoure alors d’un véritable réseau de « Républiques sœurs » : un nouveau système politique européen est né.

Une fois au pouvoir, Napoléon Bonaparte s’attache à consolider les conquêtes du Directoire par une série de traités de paix signés en 1801-1802. Mais l’accalmie est de courte durée ; la rupture de la paix d’Amiens avec le Royaume-Uni inaugure une nouvelle période d’instabilité géopolitique. Confronté à trois nouvelles coalitions antifrançaises entre 1805 et 1809, Napoléon, devenu empereur en 1804, est alors amené, pour consolider la paix, à étendre son système européen, jusqu’à englober la quasi-totalité du continent.