Comment nous sommes devenus des contribuables

Histoire mondiale des impôts. De l’Antiquité à nos jours, Éric Anceau et Jean-Luc Bordron, Passés/Composés, 2023, 446 p., 25 €.

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Cette histoire des impôts court sur de plus de cinq mille ans et à travers celle-ci, c’est aussi celle d’un État de plus en plus présent. La saga est truffée d’anecdotes relatives au jeu du chat et de la souris auquel se livrent les États multipliant les taxes (comme l’imposition « sur la pilosité » de Pierre le Grand ou les 480 sortes d’impôts qui existent en France) et les contribuables inventant des astuces pour y échapper (les guinguettes localisées aux limites des villes). Le récit couvre la description des techniques de déclaration, la peinture des rouages de la « machine fiscale » (percepteurs ou fermiers généraux le payant de leur vie lors de la Révolution), des formes de corruption et des modes de contrôles. Les grands débats portent avant tout sur la proportionnalité et sur les poids respectifs des impôts directs et indirects. La révolte des Gilets jaunes a sans doute inspiré les auteurs, car la question du consentement à l’impôt (« indispensable à l’harmonie sociale ») occupe une place notable dans ce texte. Ils concluent que l’avènement du principe d’égalité devant l’impôt constitue une première révolution et celui de son usage comme « instrument de régulation de l’activité économique » une seconde. Sa fonction redistributive est une troisième révolution, et la quatrième est celle de l’usage moral de la fiscalité, car de nos jours l’impôt vise aussi « à modifier les comportements » (alcool, écologie…). Cet usage est souvent temporaire, car l’impôt qui rapporte tend à se substituer à l’impôt qui éduque. Ainsi, les radars routiers ayant rapporté en 2022 plus d’un milliard à l’État, il en ajoute 200 en 2023 tout en supprimant le retrait de points. Enfin, la modernité récente amènerait à arbitrer entre la redistribution visant à tempérer l’écart des revenus (par l’enseignement gratuit, par exemple) et l’achat de la paix sociale par des aides ciblées, au prix de l’enfermement des bénéficiaires dans une trappe de pauvreté.