Entretien avec François blanchetière

Comprendre le succès du christianisme

Pour mieux appréhender les raisons de l'expansion du christianisme dans l'Empire romain, François Blanchetière nous invite à une relecture des textes sacrés et profanes du début de notre ère.

Sciences Humaines : Quelles sont les méthodes scientifiques utilisées aujourd'hui pour étudier les textes composant le Nouveau Testament ?

François Blanchetière : La critique et l'analyse historiques, l'histoire de la pensée, mais aussi l'anthropologie, l'analyse sociologique, l'archéologie, la linguistique, l'iconographie, la sémiologie, l'approche comparatiste enfin... Toutes ces disciplines peuvent être sollicitées. Elles se révèlent fructueuses dès lors que l'on cesse de considérer le christianisme, notamment catholique, comme l'unique dépositaire de la vérité, et que l'on refuse de tout expliquer en faisant appel à des phénomènes surnaturels. Ces méthodes étaient déjà partiellement à l'oeuvre en exégèse-. Elles ne sont d'ailleurs guère différentes de celles que l'on pratique pour analyser Platon ou tout autre texte.

Ce qui est nouveau, c'est que, depuis trente ans, nous postulons qu'un texte appartenant aux Ecritures saintes ne mérite ni plus ni moins de respect qu'un autre, du moment qu'il est une production humaine. Il s'agit de l'aborder sans a priori théologique, ou autre, comme un document reflétant un état de l'évolution de la pensée dans un certain milieu, à une certaine époque, avec toutes les interférences qui ont pu s'exercer.

Cette remise en cause d'une certaine lecture des origines du mouvement des disciples de Jésus de Nazareth est redevable aux acquis du renouveau biblique, à l'apport de l'école des Annales dans son approche de l'histoire, au renouveau des études juives aussi, reconsidérées depuis près d'un siècle. Il était donc logique que soit reconsidérée notre approche des premiers temps de ce que je choisis d'appeler le mouvement des disciples de Jésus. Ce terme permet de rester dans l'imprécision inhérente aux premiers temps du mouvement, à partir de la mort de Jésus, aux alentours de l'an 30. Ces gens, membres d'une communauté- parmi bien d'autres de juifs pratiquants qui suivent l'enseignement d'un rabbin déterminé, ces disciples de Jésus ne recevront la dénomination de chrétiens que plus tard, à partir de 41 à Antioche, si l'on admet ce que rapportent les Actes des Apôtres.