Exposition - Art moderne

Créer à l'âge de l'atome

La bombe nucléaire a bouleversé le destin de l’humanité. Une exposition au Musée d’art moderne donne à voir comment l’art des 20e et 21e siècles a investi l’imaginaire de l’atome.

Créer à l'âge de l'atome - Les Grands Dossiers des sciences humaines n°76

© Universal History Archive / UIG via Getty images

Que ta première pensée au réveil soit : “Atome”. Car tu ne saurais commencer ta journée dans l’illusion d’être entouré d’un monde stable. Demain peut ainsi être “quelque chose qui a déjà été” : car nous, toi, moi, et nos compagnons humains, sommes “davantage mortels” et “davantage éphémères” que tous ceux qui, jusqu’à hier, étaient considérés comme mortels 1. » Tel est un des « Commandements de l’âge atomique » du philosophe Günther Anders qui exprime avec force la rupture introduite dans l’histoire par le largage des deux bombes A sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Une nouvelle ère s’ouvre qui ne peut s’affranchir de l’ombre portée d’une apocalypse sans rédemption. Elle n’est pas qu’une question philosophique ou scientifique dont débattraient des intellectuels. Elle touche chacun, suscitant peurs et angoisses. Et elle fascine encore et toujours comme le donne à voir le succès du film Oppenheimer de Christopher Nolan en 2023.

De l’infiniment petit au cataclysme nucléaire, l’art depuis le début du 20e siècle s’est fait l’écho de cette histoire atomique qui a bouleversé le monde et nos imaginaires. C’est ce que donne à voir l’exposition « L’âge atomique. Les artistes à l’épreuve de l’histoire » au Musée d’art moderne de Paris en liant art, science et politique à travers des œuvres d’art et des documents.

L’atome renvoie étymologiquement à l’insécable. On doit à la philosophie grecque antique, en particulier à Démocrite, l’idée, reprise par Épicure ou Lucrèce, que la matière est constituée par des particules élémentaires, des atomes. Mais à la fin du 19e et au début du 20e siècle, la physique bouleverse cette conception. L’atome n’est plus le constituant ultime de la matière, car on découvre qu’il est lui-même constitué d’un noyau de neutrons et protons autour duquel gravitent des électrons. Cette désintégration de la matière se traduit sur le plan artistique par un travail vers des créations résolument abstraites, telles celles de Vassily Kandinsky ou de la peintre suédoise Hilma af Klint avec notamment sa série des Atomes, 22 dessins avec des combinations de figures. Kandinsky explique ainsi l’impact de ces nouvelles découvertes scientifiques sur sa conception du réel : « La désintégration de l’atome était la même chose, dans mon âme, que la désintégration du monde entier. Les murs les plus épais s’écroulaient soudain. Tout devenait précaire, instable, mou 2. » La découverte des rayons X et celle de la radioactivité par Pierre et Marie Curie frappent aussi les esprits et les arts dans leur diversité. Fascinée, la chorégraphe américaine Loïe Fuller crée ainsi une Danse ultraviolette et une Danse du radium. L’atome ici enchante le monde plus qu’il le menace.