D'où vient la motivation ?

Un siècle de recherche en psychologie n’a pas suffi à percer l’énigme 
de la motivation. Elle a pourtant donné lieu à une centaine de théories ! 
Tour d’horizon des principaux modèles.

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La notion de motivation a pris une place considérable dans nos sociétés. Le prof se demande comment motiver ses élèves, le manager ses équipes ; le marchand rêve de comprendre les motivations des consommateurs, le politique celle des électeurs. Son usage semble si courant qu’il semble difficile d’imaginer comment il a été possible de s’en passer. Ce fut pourtant le cas, pendant longtemps, puisque le terme de motivation ne s’est diffusé qu’à partir de la première moitié du 20e siècle. Cette notion n’est sans doute pas étrangère au développement de « société des individus » 1, favorisant la liberté et l’initiative individuelle. Comprendre la motivation, c’est comprendre pourquoi un individu agit alors que rien ni personne ne l’y contraignent. C’est approcher cette grande énigme du comportement humain : pourquoi un individu veut faire quelque chose et persiste dans cet effort ?

◊ Des instincts darwiniens aux pulsions freudiennes

Historiquement, la notion d’instinct a été la première mobilisée pour comprendre ce que les psychologues appellent la direction du comportement. Il en subsiste encore toute une terminologie. Par exemple, on ne dira pas d’une mère qu’elle est motivée ou non pour s’occuper de son enfant mais qu’elle a ou non l’instinct maternel. William James est l’un de ces pionniers en psychologie qui, dès 1890, a proposé une liste composée d’une dizaine d’instincts pour expliquer les mystères du comportement humain : la peur, la colère, la sympathie, la curiosité, l’amour, etc.

Ces travaux permettent de mieux comprendre l’origine des conceptions modernes de la motivation. Il est important de noter qu’actuellement, on conçoit que l’instinct concerne aussi bien l’homme que l’animal. Cependant, jusqu’au 20e siècle, le comportement de l’homme était clairement distingué de celui de l’animal. Cette distinction trouve ses racines dans la séparation que fait Platon, notamment dans Phédon, entre le corps et l’âme, propre à l’être humain. Pour la pensée grecque, les connaissances permettent à l’être humain de faire les bons choix et de ne pas être dominé par ses passions. En recourant à la notion d’instinct, W. James s’inscrit dans le sillage de Charles Darwin, qui, le premier, a estimé que « l’homme a en commun avec l’animal un petit nombre d’instincts, tels que celui de la conservation de soi, l’amour sexuel, l’amour de la mère pour ses petits nouveau-nés, le désir qu’ont ces derniers de téter, et ainsi de suite » (La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe). Avec Darwin, le choix du terme « instinct » pour expliquer la dynamique du comportement prend tout son sens, puisqu’il permet de comprendre comment les comportements des parents peuvent être transmis aux enfants. C’est cette conception, à l’origine des premiers écrits psychologiques sur la motivation, qui donnera lieu à différentes classifications au début du 20e siècle.