Dans la tête de Newton

Newton ne fut pas un génie solitaire. L’étude du milieu dans lequel il a baigné montre les nombreuses influences qui l’ont aidé à découvrir, notamment, la loi de la gravitation universelle. Pour autant, il a bien fallu qu’il s’isole du monde pour regrouper et synthétiser tous les apports extérieurs jusqu’à forger une physique nouvelle.

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La légende veut qu’un jour, allongé sous un pommier, le jeune Isaac Newton vit une pomme chuter à ses côtés. Il aurait alors connu une illumination : la loi de la gravitation universelle venait d’être découverte !

On se doute bien que les choses ne se sont pas vraiment passées ainsi. Il fallait plus que la simple chute d’un fruit pour démontrer les trois lois de l’attraction universelle, exposée en 1687 dans les Principia mathematica (voir encadré ci-dessous).

Essayons tout de même de nous glisser dans les pensées de Newton pour savoir comment il est parvenu à sa grande découverte.

Qu’une pomme ou tout autre objet pesant soit attiré vers le sol, inutile de s’appeler Newton pour le savoir. Mais comment expliquer que la Lune, cette grosse boule de pierre, ne tombe pas sur Terre ? Depuis Aristote, les savants avaient résolu cette énigme en admettant que les lois physiques ne concernent pas les astres. La gravité s’exerce autour de la Terre : la pierre qu’on lance finit par retomber ; de même, la pluie tombe des nuages. Mais au-delà d’une certaine distance, à partir de la Lune, l’attraction terrestre ne s’exerce plus. Les astres sont mus par d’autres forces – mystérieuses – qui les font tourner dans le ciel.

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« Faux ! » pense Newton. La Lune est bien attirée par la Terre. Elle ne tombe pas parce qu’une autre force agit sur elle qui tend à l’éloigner. Regardez la trajectoire d’un boulet de canon : il suit une courbe. Son mouvement est dû à la somme de deux forces : l’une est l’impulsion initiale (qui le fait partir en ligne droite), l’autre est la gravité qui l’attire vers le sol. La somme de ces forces produit une courbe proche d’un arc de cercle.

Un arc de cercle ! Mais alors, la Lune qui tourne autour de la Terre ne serait-elle pas mue, elle aussi, par deux forces combinées ? Voilà l’idée clé.

Reste bien sûr à décrire précisément ces forces, préciser leur direction, leur intensité et calculer leur résultante… Une fois le résultat obtenu, il pourra être transposé à tous les corps : la Lune, le Soleil, les étoiles, les boulets de canon et les pommes. La nature est une. Une même loi agit dans tout l’Univers : l’attraction est universelle !

Sur les épaules des géants.

Pour parvenir à ce résultat, Newton n’était évidemment pas parti de rien. Tout d’abord, des prédécesseurs avaient préparé le terrain. Newton est né le jour de Noël 1642, l’année de la mort de Galilée (1564-1642). Ses contributions majeures portaient sur la loi de la chute des corps dans le vide et l’astronomie, grâce à l’usage de la lunette astronomique 1. Surtout, le savant italien avait mis en évidence que « la nature est écrite en langage mathématique », ce qui signifie que l’on peut appliquer les mathématiques aux lois physiques. Newton a intégré ces concepts clés.

Avant Galilée, il y avait eu Kepler (1571-1630) qui avait démontré que les planètes suivaient une trajectoire elliptique et, encore avant lui, Copernic (1473-1543) qui avait supposé que la Terre tourne autour du soleil. Bien d’autres savants (comme Tycho Brahé, Giordano Bruno et d’autres moins connus) avaient participé aux connaissances astronomiques dont Newton a hérité.

Ce n’est pas tout. Newton a inventé le calcul infinitésimal, pour déterminer la trajectoire des planètes, mais cette invention eût été impossible sans Descartes (mort quand il avait 8 ans) fondateur de la géométrie algébrique ou sans Pierre de Fermat et Isaac Barrow (son professeur de mathématique à Cambridge) qui ont posé des jalons importants dans le domaine.

Newton a certes rendu hommage à ses prédécesseurs avec sa fameuse formule « Je ne suis qu’un nain grimpé sur les épaules des géants ». Mais cet assaut de modestie ne doit pas être pris au pied de la lettre : l’humilité n’était pas la qualité première du savant. S’il reconnaît sa dette aux grands hommes qui l’ont précédé, il s’est bien gardé de citer ses contemporains. Or, Newton était en contact avec une pléiade de physiciens et mathématiciens qui travaillaient sur des sujets proches des siens et qui lui ont offert un fertile terreau.

Newton a fait toute sa carrière scientifique au Trinity College, la prestigieuse université de Cambridge où il a été étudiant puis professeur. Il a fait partie de la Royal Society (la Société royale de Londres pour l’amélioration des connaissances naturelles), la première des grandes académies scientifiques européennes. Il a donc fréquenté des savants de premier plan comme Robert Boyle, Robert Hooke, Christian Huygens, Edmond Halley et bien d’autres.