Si l'art-thérapie peut être considérée comme une discipline récente, elle trouve ses racines dans le lien très ancien qui unit pratiques artistiques et maladies (organiques ou mentales). Dès l'Antiquité, les bienfaits de l'art sont célébrés, car on considère qu'il permet d'apaiser les âmes. Les anciens Grecs utilisaient la musique pour guérir la « manie », et le théâtre comme la musique étaient exploités pour leurs vertus curatives. Aristote envisageait le théâtre sous l'angle de la catharsis, comme une purification des passions pour les spectateurs et les acteurs. Dans le Moyen Age italien, la musique et la danse étaient utilisées pour faire disparaître... le venin des morsures de tarentule.
Au xixe siècle, période phare de l'aliénisme, l'activité artistique commence à intégrer l'univers de certains hôpitaux psychiatriques, mais sans que l'on s'intéresse directement à son potentiel thérapeutique : l'objectif est de distraire les « aliénés ». L'asile de Charenton, sur les conseils de son célèbre pensionnaire le marquis de Sade (1740-1814), utilise dès 1800 le théâtre (Sade, en précurseur, dirige des spectacles qui mêlent patients, infirmiers et comédiens professionnels), et celui de la Salpêtrière propose « le bal des folles et des hystériques ». Des aliénistes, comme Cesare Lombroso (1835-1909) ou Auguste Marie, collectionnent des oeuvres de malades mentaux, et des expositions sont organisées en Italie ou en Angleterre. En 1872, Ambroise Tardieu, dans Étude médico-légale de la folie, présente un dessin d'aliéné, et évoque le caractère extraordinaire de cette oeuvre. De là naîtra une volonté de trouver des correspondances entre une pathologie mentale et la nature de la production artistique. « L'art des fous », au début du xxe siècle, est décrit et analysé dans deux ouvrages marquants. Le premier, Un malade mental en tant qu'artiste (1921) du médecin suisse Walter Morgenthaler, est consacré à l'artiste schizophrène Adolf Wölfli. On doit le second, Expressions de la folie (1922), au médecin allemand Hans Prinzhorn.
L'utilisation de l'art dans le domaine thérapeutique ne commence à prendre réellement forme qu'à l'approche du milieu du xxe siècle, d'abord aux Etats-Unis avec Margaret Naumburg dans les années 30. Comme le rappelle Jean-Pierre Klein 1, directeur de l'Institut national d'expression, de création, d'art et de thérapie, le premier à avoir parlé d'art-thérapie n'est pas un psychologue mais un peintre, Adrian Hill. Pour soigner sa tuberculose, il se rend en 1938 dans un sanatorium, et dans sa chambre, il dessine les objets de son environnement. En 1945, il décrit dans son livre L'Art contre la maladie. Une histoire d'art-thérapie, ses positions sur le sujet.
Des racines ancestrales aux tentatives de formalisation
Une des règles consiste à « ne pas copier », pour se laisser aller au contraire à une « flânerie » avec un crayon et du papier. « Lorsqu'il est satisfait, l'esprit créateur [...] favorisera la guérison au coeur du malade. [...] Celui qui gouverne son esprit peut guérir sa tuberculose. » Il pose également comme base le respect de la personne qu'on doit accompagner au cours du processus créatif. Dans les années 50, apparaissent de nombreuses manifestations qui exposent « l'art psychopathologique » des malades mentaux. A la même époque, l'hôpital Sainte-Anne à Paris crée un atelier d'expression, et en 1964 est fondée la Société française de psychopathologie de l'expression. Les années 50 et 60 voient l'intérêt grandissant des psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes pour l'art-thérapie. Et cette pratique connaît un engouement croissant depuis les années 90. On le voit, le rapport entre art et soin a connu de nombreuses évolutions, mais reste soumis à deux approches, comme le souligne Richard Forestier 2 : « La première est l'effet bénéfique que produit la beauté sur le patient qui en subit passivement les effets (donc nous sommes dans le domaine de la contemplation), et deuxièmement l'effet bénéfique que produit l'activité artistique chez un patient (qui cette fois est actif). »