Historiquement, l’éducation populaire (EP) s’est construite en connexion étroite avec l’école et ses professionnels. Ils convergent vers l’idée d’un progrès permis par la transmission de savoirs et la formation à l’esprit critique, projet qui les place en situation de guides du peuple. Toutefois, la relation entre les deux univers est ambivalente dès le départ, entre proximité revendiquée et méfiance réciproque. Les uns promeuvent l’initiative privée quand les autres défendent l’État. Aujourd’hui, certains sociologues présentent l’intervention des associations dans l’école comme un signe de sa marchandisation 1. Ce retournement témoigne de l’obsolescence du modèle initial, de la gravité d’une coupure qui se manifeste à tous les niveaux.
Le temps de l’écosystème
La jonction entre ces deux univers remonte au début du 20e siècle. Le ministère de l’éducation nationale encourage alors les instituteurs à s’investir bénévolement dans l’éducation populaire laïque pour encadrer la population et concurrencer les œuvres de l’Église. La Ligue de l’enseignement, principale fédération d’éducation populaire, bénéficie ainsi du concours d’enseignants mis à disposition (MAD) qui conservent leur statut de fonctionnaire. Les instituteurs assurent ainsi son fonctionnement quotidien. On retrouve aussi les instituteurs à des postes stratégiques dans des associations qui n’émanent pas du milieu enseignant, comme la Fédération des maisons des jeunes et de la culture. La carrière des professionnels de l’éducation populaire est construite sur le modèle des instituteurs. La cohésion du réseau enseignant se renforce par des engagements croisés entre les associations laïques, le Parti socialiste et l’hégémonique syndicalisme de la Fédération de l’éducation nationale (FEN).