Pourtant, le mot cybernétique est tombé en désuétude. Ce n'est que trente-six ans plus tard qu'il va être recyclé en partie par l'auteur de science-fiction William Gibson, pour créer le mot cyberspace. Mais revenons au début.
1942 : Norbert Wiener (1894-1964), mathématicien au MIT, participe avec son collègue Julian H. Bidelow à la mise au point d'un appareil de pointage automatique pour canon antiaérien. Les deux hommes ont imaginé un dispositif qui ajuste la trajectoire de tir grâce à un procédé de régulation appelé feed-back (action en retour). Le feed-back maintient un système en équilibre par des réactions circulaires : action -> réaction -> action, etc. Le principe est celui du thermostat : la machine reçoit une information sur l'état extérieur (input) et réagit en conséquence (output) pour maintenir le cap sur un but affiché (la température, la cible...).
N. Wiener - chercheur inventif aux multiples centres d'intérêt - pense avoir découvert un mécanisme transposable à d'autres domaines. Avec J.H. Bidelow et le neurophysiologiste Arturo Rosenblueth, il publie en 1943 un article, « Behavior, purpose and teleology », dans lequel il généralise la notion de feed-back et l'utilise pour rendre compte des comportements finalisés, ou téléologiques, existant dans la nature : des organismes vivants au cerveau humain.
Avec l'aide d'A. Rosenblueth, N. Wiener réunit des chercheurs d'horizons différents dans le but de réfléchir à la question des systèmes autodirigés. Au cours de ces échanges fructueux, N. Wiener rencontre Claude Shannon, qui est en train de mettre au point la théorie de l'information, le neurophysiologiste Warren McCulloch, le mathématicien John von Neumann (1903-1957). Les idées bouillonnent, s'échangent et se fertilisent mutuellement. N. Wiener enrichit la théorie de l'information (il a l'intuition que le mécanisme de rétroaction peut conduire vers une théorie de l'information et de la communication). W. McCulloch emprunte à Wiener l'idée de rétroaction (feed-back), etc.