« Un bon relationnel et le sens du service sont requis pour ce poste. » Ce type d'indications semble aller de soi tant elles sont fréquentes dans les offres d'emploi dans le secteur des services. On en oublie que « services » renvoie à « servir » et que, dès lors, la « servitude » n'est plus très loin. Plusieurs travaux menés au cours des dernières années s'intéressent de près à « la relation de service », mettant en évidence ses implications psychopathologiques. Pascale Molinier, psychologue, s'en est fait l'écho lors du colloque « Nouvelles formes de servitude et psychopathologie » qui s'est récemment tenu au Conservatoire national des arts et métiers de Paris. Lors de cette rencontre organisée par le Laboratoire de psychologie du travail et de l'action du Cnam, dirigé par le psychanalyste Christophe Dejours, les intervenants se sont interrogés sur la servitude dans le travail, en référence à Etienne de la Boétie et à la notion de « servitude volontaire ». P. Molinier entendait, de son côté, poser des jalons pour une analyse des emplois de services situés au bas de l'échelle sociale.
On peut dire que la psychopathologie de la servitude appartient aux origines de la psychologie du travail. Dans les années 60, le psychiatre Louis Le Guillan revenait sur le cas des soeurs Papin, ces domestiques qui, le 2 février 1933, assassinèrent de manière particulièrement atroce leur patronne et sa fille. Alors que Jacques Lacan, dans un article publié en 1933 par la revue surréaliste Minotaure, avait considéré l'acte des soeurs Papin comme le fruit d'une paranoïa issue de leur histoire familiale, L. Le Guillan met quant à lui en avant le « pouvoir pathogène de la condition domestique ». Peut-on passer « de la condition de bonne à tout faire à la relation de service dans le monde contemporain », comme le propose P. Molinier ? Pour la psychologue, la contribution de L. Le Guillant offre des éléments de méthode permettant d'analyser certains emplois féminins d'aujourd'hui, comme ceux de caissière, employée de nettoyage ou de soin aux personnes âgées.