Des Français en demande de reconnaissance

La majorité de la population estime que ses problèmes quotidiens sont méconnus des pouvoirs publics. Quels sont-ils ? Pourquoi ?

La moitié des Français ont le sentiment d’être en proie à des difficultés passées sous silence par les médias et les décideurs politiques selon un récent rapport du Credoc 1. Ne pas pouvoir partir en vacances, enchaîner les contrats précaires sans perspective d’avenir et voir s’éloigner le rêve de devenir propriétaire sont autant de sujets peu traités aux yeux de ceux qui se considèrent invisibles. Ce ressenti n’est pas nouveau. Le terme « marginalité invisible » apparaît pour la première fois en France dans les années 1980 sous la plume du sociologue Yves Barel. Il la définit comme l’expression de ceux qui, au fond, désirent l’intégration sociale, mais ne peuvent y accéder à cause de la précarité ou du chômage et décident par exemple de ne plus voter. En 1993, dans La Misère du monde  2, Pierre Bourdieu dresse un premier portrait de tous ceux qui occupent « une position inférieure et obscure à l’intérieur d’un univers prestigieux et privilégié » : travailleurs immigrés, habitants de zup, couples de clochards… Au-delà des difficultés financières, cette population confrontée à une « misère de position » se heurte aux « contraintes impitoyables du marché du travail ou du logement ». Le Credoc distingue de son côté « sept grands registres de discours qui nourrissent le sentiment d’invisibilité » : les difficultés financières (22 % des invisibles), les freins à l’accès aux droits fondamentaux comme un emploi durable ou un logement (19 %), les incivilités et le sentiment d’insécurité (12 %), les lacunes dans le ciblage des politiques sociales (7 %), la déconnexion des élites (6 %), la dégradation de l’environnement (5 %), enfin les mauvaises conditions de travail (4 %).