Outillés de caméras qui permettent de filmer à 360°, Sébastien Goudeau et son équipe se sont rendus dans des classes de grande section de maternelles. Le but : observer les interactions langagières d’une centaine d’enfants répartis dans quatre classes. L’analyse des heures d’interactions enregistrées montre que les enfants issus de familles populaires parlent moins souvent et moins longtemps que ceux venant de milieux plus favorisés. L’écart est particulièrement marqué pour les prises de parole spontanées : les enfants de classes moyennes ou supérieures prennent 71 % de fois plus la parole sans y avoir été invités que les enfants de classes inférieures et coupent aussi 74 % de fois plus la parole d’un autre enfant. Ces écarts se retrouvent à niveau de langage équivalent et ne reflètent donc pas des capacités différentes, insistent les chercheurs. La nouveauté de cette étude, c’est de quantifier précisément ce que la sociologie de l’éducation avait déjà observé de manière qualitative : « Bourdieu dit, par exemple, que le privilège social est essentialisé dans la salle de classe. Le but avec cette étude, c’est de l’objectiver », explique S. Goudeau.
Les chercheurs ont mené ensuite une étude complémentaire à partir de questionnaires pour mesurer l’effet qu’a cette participation inégale en classe sur la façon dont les enfants se perçoivent mutuellement. Résultats : ceux qui participent beaucoup sont vus par les enfants comme « plus intelligents », « meilleurs à l’école » ou « plus gentils ».
source
• Sébastien Goudeau et al, « Unequal opportunities from the start. Socioeconomic disparities in classroom participation in preschool », Journal of Experimental Psychology : General, juin 2023.