Dans une salle de cours, un enseignant fait un exposé sur le sens que l'on doit donner à une nouvelle de Maupassant. Les élèves écoutent et prennent des notes... Dans une autre salle, des élèves réunis en groupes de travail discutent du texte de Maupassant. Dans une troisième salle, un enseignant anime le groupe-classe et échange avec les élèves : comment ont-ils compris le texte ? Quelles stratégies ont-ils utilisé pour donner du sens ?
S'il est vrai que l'enseignant doit maîtriser les contenus d'apprentissage, il doit aussi les faire acquérir. Pour y parvenir, il peut choisir parmi plusieurs formes pédagogiques : exposé magistral suivi d'exercices à compléter, approche par la découverte, mise en situation de problèmes à résoudre, apprentissage coopératif, etc.
L'enseignement dispose en fait de toute une panoplie de méthodes. Parmi elles, certaines prennent appui sur des théories psychologiques de l'apprentissage (même s'il n'y a pas de relation de cause à effet entre théories psychologiques et pratiques pédagogiques). Le but de cet article est justement de montrer comment les théories psychologiques peuvent apporter leur contribution pour modifier les pratiques en milieu éducatif.
Les théories de l'apprentissage peuvent en effet être regroupées en plusieurs perspectives (qui se recoupent parfois) : l'approche béhavioriste met l'accent sur les différentes formes de « conditionnement » aux modifications des comportements ; l'approche cognitive s'intéresse aux stratégies mentales du sujet (le traitement de l'information) ; l'approche développementale et l'approche sociocognitive se préoccupent à la fois des étapes de développement et des interactions entre le sujet et son environnement social ; enfin, une approche que l'on peut qualifier d'« interactionniste » ou d'intégratrice tente d'articuler entre elles les approches précédentes.
Chacune de ces théories suggère et propose des outils (pas forcément contradictoires) pour stimuler les capacités d'apprentissage de l'élève.
L'influence du béhaviorisme en éducation
L'approche béhavioriste a eu une grande influence en psychologie. Sa démarche expérimentale, fondée sur l'observation minutieuse des faits, a d'abord favorisé une plus grande objectivité dans l'étude des pratiques d'enseignement. C'est dans son prolongement pédagogique que l'on a conçu des outils pour l'évaluation en mathématiques, en lecture et en écriture : des grilles d'observation des comportements individuels, des comportements en groupes, etc.
Mais l'une des influences sans doute les plus visibles du béhaviorisme a été de favoriser, dès la fin des années 50 aux Etats-Unis, l'élaboration de programmes d'études en fonction d'« objectifs d'apprentissage ». Cette approche consiste à définir pour chaque discipline des étapes et des seuils à accomplir par l'élève pour atteindre un but donné. Cette approche « par objectifs » a également favorisé les pratiques d'évaluation. On évalue un élève en fonction d'objectifs précis (« est capable d'effectuer une multiplication ») et à l'aide de critères connus tant des élèves que des enseignants.
La « pédagogie de la maîtrise » illustre parfaitement cette approche. Elle consiste à présenter une matière (français, mathématiques, langue étrangère, etc.) par l'intermédiaire d'objectifs définis sous forme de comportements divisés en étapes d'apprentissage. Des tests diagnostiques sont administrés avant chaque étape. L'élève aborde donc une tâche nouvelle à un niveau où il peut réussir, parce qu'on est sûr qu'il maîtrise les étapes antérieures de l'apprentissage. Les tâches sont organisées dans un ordre séquentiel.
Au Québec, de nombreuses classes ordinaires et spéciales (pour élèves en difficulté ou handicapés) utilisent des programmes basés sur l'approche béhavioriste. Cette démarche insiste beaucoup sur la nécessité de débuter les apprentissages à partir du niveau de base de l'élève, autrement dit là où il est capable de réussir. L'analyse de tâche (c'est-à-dire la décomposition d'un comportement complexe en plusieurs sous-comportements) est d'emploi fréquent dans ces programmes, et certains d'entre eux, individualisés, sont fondés sur ces principes mêmes. Par exemple, à l'intention des élèves ayant une déficience intellectuelle, ont été mis au point des programmes gradués d'apprentissage à l'habillage, à l'autonomie à la communication avec les pairs, etc. Burrhus F. Skinner a d'ailleurs, en 1999, été honoré par l'Association américaine sur le retard mental parmi les 35 personnes qui ont réalisé les contributions les plus significatives, au cours du xxe siècle, dans le domaine de la déficience intellectuelle.
L'importance de la stimulation
Influencé par l'approche de Jean Piaget, le psychologue américain Jerome Bruner a proposé une approche basée sur le développement qui accorde une grande importance aux explorations et aux découvertes de l'élève. Elle met l'accent sur le rôle de l'expérience et de l'environnement dans le processus d'éducation. En 1960, dans The Process of Education, il prolonge une réflexion entamée un an plus tôt par un groupe de 35 scientifiques et éducateurs réunis à Cape Cod (Massachusetts) et destinée à formuler des propositions pour améliorer l'enseignement des sciences à l'école. J. Bruner insiste sur l'importance de plusieurs éléments, notamment sur la nécessité d'une structuration des connaissances en un tout cohérent : « Les connaissances que l'on acquiert sans une structure adéquate pour les relier les unes aux autres sont des connaissances vouées à l'oubli ». Mais il insiste beaucoup aussi sur la motivation de l'élève. A ses yeux, la stimulation permanente de l'intérêt des élèves est une condition essentielle de l'apprentissage.