Philosopher dès l'enfance, une école de liberté

Dans les ateliers de philosophie, les jeunes apprennent dès le plus jeune âge à raisonner, argumenter et débattre.

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La philosophie n’est enseignée en France qu’au lycée – et seulement dans les lycées généraux et technologiques, mais pas dans les lycées professionnels. Cette absence peut être considérée comme une violence institutionnelle adressée aux classes populaires (surreprésentées dans cette filière). La philosophie se veut pourtant la discipline reine pour construire une pensée autonome, critique et complexe, consubstantielle à l’exercice d’une citoyenneté éclairée.

Or, les très jeunes enfants font l’expérience de la philosophie très tôt à travers « l’étonnement devant le monde ». Pour le philosophe grec Aristote, ce qui distingue les humains des autres animaux est justement cette capacité à s’étonner (l’âge des « pourquoi ? », « comment ? »). Il n’y a pas d’âge pour se poser des questions philosophiques et commencer ce chemin intellectuel, existentiel, qui donne du sens au monde. Comme le soulignait Montaigne : « On a grand tort de peindre la philosophie inaccessible aux enfants, et d’un visage renfrogné, sourcilleux et terrible. Qui me l’a masquée de ce faux visage, pâle et hideux ? Il n’est rien de plus gai, de plus gaillard, de plus enjoué, pour un peu je dirais de plus folâtre 1. »

Cinq cents ans après cette invitation à « folâtrer », la philosophie avec les enfants – à l’école et dans la cité – se développe sous diverses formes partout dans le monde. Bouleversant les représentations traditionnelles de l’enseignement de la philosophie, ces pratiques répondent à des enjeux pluriels mais complémentaires :

– un premier enjeu éthique de reconnaissance : ces pratiques reviennent à reconnaître derrière l’élève (même le plus jeune, le plus en difficulté ou en situation de handicap) un sujet digne d’écoute, de parole et de pensée ;

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– un second enjeu d’émancipation, d’ordre politique : fondés sur les principes de la discussion démocratique et de l’intelligence collective, ces échanges sont aussi l’occasion de s’exercer à la délibération, à l’écoute des désaccords et à la pensée critique et complexe.