Destins croisés : l'Afrique et ses diasporas

Diverses et séculaires, les diasporas africaines forment tant un prolongement du continent qu’un legs de l’Afrique au reste du monde.

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Doit-on parler de « la » ou « des » diaspora(s) africaine(s) ? Question moins simple qu’il y paraît. Car d’un côté, la diaspora africaine – si l’on choisit le singulier – est unique, marquée par l’expérience violente de la catégorisation et de la discrimination raciale, et par l’imposante trace laissée par l’esclavage et la colonisation dans le passé des peuples africains et afro-descendants. De l’autre, les diasporas africaines – si l’on emploie le pluriel – offrent de nombreux visages, de par les particularismes locaux, les dynamiques propres aux communautés et les terres d’exil ou d’élection considérées.

Que recouvrent-elles alors ? Quelles interactions ont contribué à forger un destin commun entre les populations d’Afrique subsaharienne et celles de descendance africaine établies hors du continent ? Comment ces dernières parviennent-elles à maintenir une identité collective par-delà le déracinement – ce qui renvoie à la définition même de diaspora ? Et derrière une unité apparente, quelles différences existent ? Autant de questionnements qui ont pu guider les travaux d’historiens sur les Africains du continent et les afro-descendants d’autres régions du monde, un ensemble formant un sixième de la population mondiale.

Connexions anciennes

La présence africaine hors d’Afrique est ancienne. Des figures noires sont représentées sur des objets d’art de l’Antiquité de Chypre et de Rhodes, et les débuts de l’ère chrétienne marquent un essor de la présence africaine, notamment d’Éthiopiens, à Rome. Dans les siècles suivants, lors de la conquête de la péninsule Ibérique, les armées arabos-musulmanes intègrent des soldats africains, berbères et noirs d’Afrique de l’Ouest. En parallèle, la traite transsaharienne d’esclaves africains sur le pourtour méditerranéen se développe. Les connexions et échanges, religieux et marchands, entre les Africains et le reste du monde sont nombreux dès avant le 15e siècle, au nord vers l’Europe, à l’est vers la péninsule arabique et l’océan Indien 1 . Peut-on ici parler de « diaspora », au sens d’une conscience collective, d’une production d’un héritage commun ou d’une persistance des liens envers la terre d’origine ?

Si les débats sur ce point restent ouverts, la traite négrière atlantique constitue assurément un temps fort de l’histoire de la diaspora africaine. Elle débute avec la traite lusophone. Dans les décennies 1480-1490, près d’un millier d’esclaves africains sont débarqués chaque année dans les ports portugais. Principalement employés dans les exploitations agricoles, ils seront à l’origine d’une diaspora importante dans la péninsule Ibérique, qui représenta jusqu’à 200 000 personnes aux 16e et 17e siècles.