Alcool
Consommer de l'alcool, une déviance ? Dans certains milieux populaires, c'est davantage la sobriété qui est perçue comme anormale : boire de l'alcool est une marque de virilité. En outre, la grande majorité des Français déclarent boire régulièrement de l'alcool au cours du repas ou à l'occasion de fêtes. D'ailleurs, selon le célèbre slogan de la campagne de prévention des années 80, « il faut boire ou conduire» (et non pas renoncer définitivement à la consommation d'alcool). Plus que le fait de boire, c'est la dépendance à l'alcool qui est montrée du doigt. Si le convive un peu pompette attire la sympathie, la personne alcoolique est bannie, encore plus lorsque c'est une femme.
Pour les adolescents, la première cuite est un rite de passage. En France, l'initiation est précoce : 80 % des garçons et 70 % des filles déclarent avoir consommé de l'alcool dès l'âge de 11 ans. Dans l'ensemble, cette consommation est plutôt familiale. C'est ce que révélait récemment la toute première enquête réalisée par le Comité français d'éducation pour la santé (CFES) auprès de 4 000 adolescents âgés de 12 à 19 ans. Mais la même enquête enregistre une progression de la consommation d'alcools forts chez ces jeunes. Associés à d'autres substances psychoactives, ces alcools sont utilisés par certains d'entre eux comme de véritables drogues destinées à atteindre un état d'ivresse. Qui plus est, si l'alcoolisme est tout aussi mal perçu chez les ados que chez les adultes, la consommation d'alcools forts s'observe chez les jeunes manifestant des comportements jugés déviants ou pour le moins minoritaires (consommation de tabac, usage de cannabis, précocité sexuelle). Comme pour la consommation de tabac, note le CFES, les jeunes de 15 ans et plus ayant déjà eu des rapports sexuels et/ou ayant déjà pris du cannabis sont des consommateurs d'alcool réguliers. Ils sont également nombreux à avoir connu un état d'ivresse au cours de leur vie.
A lire : Nelly Mauchamp, Les Français. Mentalités et comportements, Clé internationale, 1995 ; Baromètre santé jeune 97/98 du CFES.
Corruption
Financements occultes, pots-de-vin, fausses factures... Les mots de la corruption nous sont devenus familiers, et avec eux la conviction que le phénomène a acquis une importance bien supérieure ou peut-être une existence beaucoup plus visible qu'autrefois. Alors que, jusqu'au milieu des années 80, écrit Yves Mény, « la corruption apparaissait (en France) comme l'exception à la règle, comme la déviance individuelle au sein d'un corps considéré comme intègre, la perspective change rapidement : la corruption passe pour une pratique systématique et tant l'opinion publique que les médias ne sont pas loin d'adhérer aux condamnations les plus populistes : " tous pourris " ». En réalité, cette inflation soudaine est liée à plusieurs facteurs : décentralisation, concurrence des partis politiques, engagement de magistrats dans la lutte contre la corruption... Au fur et à mesure que les scandales étaient révélés (Urba, Carrefour du développement, etc.), l'opinion a durci son jugement contre la corruption des hommes politiques : le pourcentage de personnes condamnant formellement les dessous-de-table est passé de 54 % à 62 % entre 1981 et 1990. De là à penser que les Français sont en train de changer, il reste encore quelques contradictions à résoudre : frauder la Sécurité sociale et tricher dans sa déclaration d'impôts sont des comportements encore assez bien tolérés (62 % et 54 %) en France, beaucoup mieux en tout cas que fumer du cannabis ou accepter un pot-de-vin... La tricherie économique n'apparaît comme une déviance que lorsqu'elle est le fait des dirigeants ou des élus.