Le retour des messianismes

Dieu est-il un acteur politique ?

De nouvelles formes religieuses connaissent depuis trente ans une forte croissance mondiale. En affichant leur ambition de suppléer les carences sociales des États, que nous disent ces « religions en kit » ?

La religion est de retour. Mais il ne s'agit plus d'une religion cadrée par des Eglises institutionnelles. Partout dans le monde, et plus spécifiquement dans les pays en voie de développement, fleurissent des cultes d'un nouveau type. Leurs dogmes sont simples et directs ; leurs expressions incluent souvent des manifestations spontanées d'allégresse : danse, possession, guérison, miracles... On a ici affaire à des messianismes, au sens où ces mouvements promettent un accomplissement spirituel qui libérera leurs adeptes de leurs souffrances, non plus dans l'au-delà, mais bien en ce monde et potentiellement en cette vie.

Qu'ils soient classés parmi les nouveaux mouvements religieux (NMR), comme la secte japonaise Sôka Gakkai (voir l'encadré, p. 24) ou les groupes d'inspiration hindoue, ou issus des Eglises officielles, tels les mouvements protestants évangéliques et pentecôtistes (voir l'encadré, p. 23), ils connaissent depuis les années 70 une croissance spectaculaire. S'il reste difficile d'estimer leurs effectifs, on peut esquisser, à la lumière de quelques études, des ordres de grandeur. Les protestants évangéliques seraient 100 à 200 millions, les pentecôtistes 150 à 300 millions, les NMR inspirés des religions orientales compteraient de 100 à 300 millions d'adeptes. Sans compter des mouvances comme les charismatiques catholiques et protestants, ni des cultes syncrétiques, ni le prosélytisme de certains courants ou ONG islamiques, ni le néomessianisme juif.

Même si ces mouvements prennent des formes très diverses, on peut définir un ensemble de traits communs : ils se présentent comme des organisations religieuses laïques et déploient un prosélytisme actif et planifié, généralement couronné de succès auprès des couches sociales défavorisées et classes moyennes urbaines. Ces organisations opèrent systématiquement des conversions par la discussion en face-à-face, et leurs pratiques cultuelles se font en petits comités. Ce qui autorise une identification communautaire transcendant généralement les différences ethniques, et la promotion d'un message à visées universalistes. Celui-ci est relayé par l'ensemble des fidèles, parmi lesquels les femmes jouent fréquemment un rôle prépondérant. Leur implication dans la société s'étend de l'organisation d'expositions illustrant la défense des droits de l'homme à la création de partis politiques pour les plus puissantes. Le tout se joue dans une logique concurrentielle, dans lequel la conversion s'effectue dans le cadre d'un marché du religieux.