Don d'organe, un casse-tête éthique

Les greffes permettent de sauver des vies, mais il y a pénurie d’organes. Pour y faire face, il est possible dans certains cas de recourir à des donneurs vivants. Cette solution n’en soulève pas moins de redoutables problèmes éthiques.

La greffe est depuis 2000 une priorité nationale : une journée d’information lui est consacrée tous les ans en juin. Cette journée rappelle que la greffe – qui consiste en général à transplanter chez une personne gravement malade un organe prélevé sur une personne en mort cérébrale – est une technique qui sauve des vies. Elle incite chacun à prendre position en faveur ou contre le prélèvement de ses organes après sa mort. Elle informe aussi sur l’ensemble des possibilités de don dans un contexte de pénurie d’organes où, en l’absence d’un organe disponible, des centaines de personnes meurent chaque année alors même qu’elles auraient pu vivre.

L’une des solutions actuellement proposées pour lutter contre la pénurie de greffons est le recours au don entre vivants. Ce don est possible pour le rein et pour le foie ; il est clairement bénéfique aux malades. Mais les choses sont plus complexes du côté des donneurs. En effet, si la greffe propose une solution efficace pour les malades (avec en moyenne 70 % de survie à cinq ans pour le cas du foie (1)), elle repose sur le morcellement du corps d’un donneur en bonne santé. Le prélèvement comporte des risques, particulièrement dans le cas de la transplantation hépatique avec donneur vivant (THDV).

Développée dans les années 1990, la THDV consiste à prélever une partie du foie d’un donneur pour la greffer chez l’un de ses proches atteint d’une maladie hépatique grave ou incurable. Elle est possible parce que le foie se compose de deux lobes, ce qui permet que chacun régénère, offrant au donneur et au receveur une masse hépatique suffisante à partir d’un demi-foie. Pour autant, les organes « régénérés » ne comportent plus qu’un seul lobe de taille augmentée.

Le recours à cette technique est possible dans deux situations qui diffèrent en termes de risques. Dans la situation dite « pédiatrique », un donneur est prélevé pour greffer un enfant. On prélève environ 40 % du foie. Le risque de mortalité pour le donneur est estimé autour de 0,2 %, et les risques de complications sont estimés entre 8,5 et 30 % (2). Les résultats pour le receveur sont identiques à ceux des greffes issues de donneurs décédés. Dans la situation dite « adulte » où il s’agit de greffer un adulte avec des besoins morphologiques plus importants, on prélève environ 60 % du foie. Le risque de mortalité pour le donneur est compris entre 0,8 et 1 % : 33 donneurs sont morts des suites du prélèvement, dont 2 en France (3). Les risques de complications sont en moyenne estimés à 31 % (4). Pour le receveur, les résultats sont les mêmes que dans la situation du donneur décédé.

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La greffe entre vivants permet de réduire l’attente pour le malade, de reporter l’intervention en cas de besoin (ce qui est impossible dans le cas d’un donneur décédé) et de disposer d’un organe qui n’a pas souffert, contrairement à un organe prélevé sur un cadavre. Elle offre donc de très bonnes chances de survie à un malade dont la vie est menacée, au prix de risques importants pour l’un de ses proches en bonne santé. Le recours au don entre vivants en transplantation hépatique est donc un choix éthique difficile.