Éducation : les limites des évaluations internationales

Pour comparer de façon rigoureuse les niveaux d'instruction dans différents pays, il importe de définir préalablement une méthodologie commune. Faute de quoi les comparaisons seront faussées par des biais culturels.

Dans nos sociétés dites du savoir, les compétences constituent un capital essentiel. La nécessité s'est faite jour de les mesurer et l'on a vu se développer un engouement pour des enquêtes internationales se proposant de mettre en relation les compétences d'une population et son potentiel économique. Parallèlement, les indicateurs indirects classiquement utilisés pour répertorier les compétences - le plus souvent le niveau scolaire - ont été remplacés par des évaluations reposant sur des épreuves en filiation directe avec les tests classiques d'aptitudes.

Généralement, l'approche adoptée dans les enquêtes internationales est «externe» : les problématiques et les épreuves y sont conceptualisées dans un cadre centré sur une population considérée comme référence, sans se préoccuper des traditions et conceptions des pays en matière d'évaluation. Un cas d'école est l'enquête IALS (International Adult Literacy Survey), dont on peut trouver un récit détaillé des avatars de la version française dans l'ouvrage Des lettres et des chiffres 1. IALS montre comment une approche, même basée sur des procédures psychométriques sophistiquées, donne des résultats invraisemblables en faisant fi des facteurs culturels et linguistiques. Dans la perspective alternative, les faits psychologiques sont comparés en tenant compte des caractéristiques et des contextes de chacune des populations étudiées. Le caractère international d'une enquête résulte alors de la confrontation entre expériences nationales.

Des résultats aberrants

L'objectif de l'enquête IALS, lancée en 1994, était d'évaluer et de comparer les niveaux de «littératie» de différents pays de l'OCDE. La notion de littératie, introduite par l'ethnologue Jack Goody pour rendre compte du rôle de l'écriture sur l'organisation des sociétés et les formes de cognition, y est utilisée de manière très pragmatique et athéorique : la littératie est la compétence à utiliser des informations présentées dans des textes. Elle est mesurée à partir de documents de la vie courante : notices de médicaments, horaires de transports, articles de journaux...