Des sourcils qui se lèvent, un index qui s’agite, une épaule qui bouge…, tous vos faits et gestes jusqu’aux plus infimes sont aujourd’hui observés par des spécialistes du langage corporel. Un de leurs terrains favoris : les débats politiques, dont ils font l’analyse… sans le son ! On ne compte plus leurs ouvrages, et les médias les adorent. Synergologie, morphogestuelle, physiognomonie : ces disciplines nouvelles se vantent de lire dans votre visage, votre posture, votre gestuelle ce que vous voulez dissimuler aux autres. Mais que valent-elles ? Selon Pascal Lardellier, enseignant en sciences de l’information et de la communication, ce ne sont que pseudosciences : pas de protocole expérimental, pas de travail de recherche. Tout est fondé sur des interprétations libres qui, selon l’auteur, virent parfois au ridicule. Voyez-vous cet œil gauche qui se rétrécit ? C’est un signe d’abattement, de fermeture aux autres. Voyez aussi cette épaule droite qui bouge ? C’est le témoin d’une émotion forte, tandis que l’épaule gauche trahit son orgueil. Pour l’auteur, le problème des « obsédés du décodage », comme il les appelle, est qu’ils interprètent tout et n’importe quoi sans distinguer entre signes volontaires accompagnant un discours et gestes involontaires. « L’être humain serait dissocié : la bouche dit une chose, et surtout des mensonges, alors que le corps heureusement exprime la vérité vraie. » Mais le pire, selon lui, c’est que ça marche. Les écoles de management, les services de recrutement, police et gendarmerie s’arrachent leurs conseils d’experts, et formations pour apprendre à décoder la vérité de leur interlocuteur. Dans cette enquête à charge, l’auteur rejette en bloc toutes les méthodes d’analyse de communication non verbale, n’y voyant qu’une imposture. Mais peut-on mettre tout le monde dans le même sac ?
Enquête sur le business de la communication non verbale
Enquête sur le business de la communication non verbale, Pascal Lardellier, EMS, 2017, 240 p., 19,50 €.