Entretien avec Frédéric Martel - Le mainstream, cette culture qui plaît à tout le monde

Si Hollywood domine encore le marché de la production grand public, de nouvelles industries créatives émergent, 
de l'Inde aux pays arabes, du Mexique à la Turquie…

Blockbuster, best-seller, hit… Que des mots anglais désignent ces films, livres et artistes qui plaisent à tout le monde n’est pas un hasard. Cela témoigne de l’origine américaine du « mainstream », qui est, selon Frédéric Martel, « un courant dominant ». Les dessins animés Disney, la chanteuse Shakira et la série Desperate Housewives sont autant d'exemples de cette culture de masse que les États-Unis exportent dans le monde entier. Comment et grâce à quelles logiques se sont-ils imposés sur le marché mondial de la production de contenus ? Le journaliste et chercheur a mené l’enquête pendant cinq ans, dans plus de trente pays. Au-delà de la lutte économique pour conquérir les box-offices et hit-parades de la planète, il observe l’émergence de nouveaux pays et de leurs médias, désireux de contrôler – eux aussi – les images et les valeurs véhiculées auprès du public…

Comment la production du mainstream est-elle devenue un enjeu géopolitique au point de provoquer une « guerre globale de la culture et des médias » ?

Avec la mondialisation, des interdépendances complexes ont émergé entre les nations. Très vite, les États-Unis ont vu la nécessité d’utiliser aussi la culture, pour influencer la politique internationale et améliorer leur image. Cette volonté d’imposer des valeurs comme la liberté, la démocratie, l’individualisme, la mobilité sociale ou encore l’économie de marché est venue compléter le « hard power », la force militaire, économique et industrielle, qui était jusque-là considéré comme suffisant pour asseoir une puissance et dominer les échanges. Aujourd’hui, d’autres pays ont compris les enjeux de pouvoir liés à la culture de masse mondialisée. Ils développent leurs propres médias dans le but de divertir, mais aussi de contrôler les images et les rêves des publics. Sur ce plan existe donc une guerre globale. Avec 350 millions d’individus qui partagent une langue commune, mais sont aussi d’une très grande diversité culturelle, les États-Unis ont eu la capacité d’inventer un modèle culturel qui fonctionne et que beaucoup veulent recopier. Il n’empêche qu’ils sont parvenus à faire Kung Fu Panda à la place des Chinois, en exploitant habilement leur animal et leur sport nationaux ! Comment expliquer le succès mondial du Roi Lion si ce n’est par l’existence d’une culture mainstream très américanisée et capable de s’adapter ? Cependant, les États-Unis ne sont plus seuls. Partout dans le monde, la culture reste locale et assez peu homogène que ce soit dans la musique, la télévision ou le livre. C’est un peu moins vrai pour le cinéma et plus du tout pour le jeu vidéo.