Entretien avec Guillaume Carré : Le Japon prémoderne, une exception ?

On dit du Japon des XVIIe-XIXe siècles qu’il était « fermé » sur lui-même.
 Son histoire est-elle 
si exceptionnelle ?

L’histoire du Japon serait marquée par une fermeture des frontières, commençant au XVIIe siècle. Dans quel contexte international s’inscrit ce moment ?

Au XVIe siècle, l’Asie orientale a été confrontée à un événement majeur : l’arrivée des Occidentaux. D’abord les Portugais qui, par la route des Indes, abordent en Chine au début du XVIe siècle, et au Japon en 1543. Un demi-siècle plus tard débarquent Anglais et Hollandais. Ils viennent concurrencer les Portugais et les Espagnols, lesquels se sont installés dans cette région en annexant les Philippines à partir de 1565.

Les mers d’Asie orientale connaissent à la même époque une expansion du commerce, liée à l’affaiblissement du contrôle de l’Empire chinois des Ming sur les populations maritimes. Cette dynastie avait choisi de contrôler le commerce extérieur pour asseoir son pouvoir sur les populations côtières, avec un système dit d’interdiction maritime. Mais dès les années 1520, ces populations défient les autorités et se lancent dans la contrebande et la piraterie.

Vers 1530, au Japon, on importe de Corée une nouvelle technique de purification de l’argent, la coupellation. Elle permet de développer l’exploitation des gisements argentifères dans l’archipel. Les contrebandiers chinois s’intéressent à cette richesse, car l’argent est déjà devenu à cette époque le métal de référence pour le commerce en Asie orientale : ils trafiquent avec des Japonais qui se lancent à leur tour dans la piraterie, et avec les Occidentaux. Cet argent, qui vraisemblablement attire les Portugais vers le Japon, irrigue bientôt, avec l’argent espagnol du Pérou, un fructueux commerce international en Mer de Chine. Au début du XVIIe siècle, des Japonais quittent leur pays pour se fixer dans tout le Sud-Est asiatique : ils y sont marchands, ou mercenaires.

 

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On a donc une recomposition de l’ordre international en Asie orientale à moment là. Qu’en est-il du contexte national ?