Entretien avec Maria Hsia Chang. L'État chinois face à Falungong

Le Falungong n'était à l'origine qu'un simple mouvement de promotion du qigong, une pratique chinoise de gestion des énergies. Comment s'est-il politisé ?

Ni la pratique du qigong, ni les croyances religieuses et morales du Falungong ne sont politiques par nature. Ce culte s'est pourtant politisé à partir du moment où 10 000 à 15 000 de ses adhérents ont manifesté, pacifiquement, devant le siège du Parti communiste chinois, le 25 avril 1999, à Pékin. L'objectif était d'obtenir une reconnaissance du mouvement par le gouvernement. Mais ce dernier a déclaré la manifestation illégale, et a rapidement interdit Falungong en le dénonçant comme une « secte mauvaise ».

Pourquoi l'Etat chinois perçoit-il une menace dans ce mouvement ?

Par suite du nombre de ses disciples, estimé à plusieurs millions avant son interdiction officielle. Le gouvernement chinois lui concédait de 2 à 30 millions d'adeptes, quand le siège du Falungong International se réclamait d'une audience mondiale de 100 millions de personnes, incluant une majorité (environ 80 millions) de Chinois. Tout groupe de cette envergure, quand il n'est pas contrôlé par l'Etat, est automatiquement perçu par lui comme une menace. A son apogée, cette secte maintenait un important réseau social en Chine. Mais l'essentiel demeure dans le fait que Pékin perçoit Falungong comme un danger car ses croyances religieuses évoquent celles de mouvements millénaristes de l'époque impériale. De tels cultes sont parvenus à renverser des dynasties, à commencer par celle des Qin, dès 209 avant l'ère chrétienne.