Entretien avec Pierre-Henri Tavoillot : Le droit à une seconde vie

La vieillesse peut être
 vécue comme une libération, 
en permettant une vie riche 
et débarrassée des impératifs 
de la performance.

Comment les Anciens percevaient-ils la vieillesse ?

La querelle philosophique sur la vieillesse est l’une des plus anciennes de l’histoire humaine. Elle débute au viie siècle av. J.‑C. avec ce vers de Solon : « Puissé-je devenir vieux en apprenant toujours. » Il constitue une réponse au vers du poète Mimnerme de Colophon : « Puissé-je, sans maladies et pénibles soucis, rencontrer, à 60 ans, le lot de la mort. » Le vers de Solon enclenche une véritable polémique, point de départ d’une longue réflexion, depuis Platon, Aristote, Cicéron, Blaise Pascal, Montaigne, Jean-Jacques Rousseau, jusqu’à Friedrich Nietzsche.

Sans en refaire l’histoire, on peut dégager certains arguments des deux camps dans cette querelle. Parmi les « antivieillesse », Aristote considère qu’il y a un point culminant, un « sommet » dans la vie, et qu’une fois passée cette limite, pour reprendre les mots de l’écrivain Romain Gary, notre « ticket n’est plus valable ». Et s’il nous arrive d’admirer de beaux et sages vieillards comme le plaideront les « provieillesse », ce que nous admirons n’est pas la vieillesse mais la beauté ou la sagesse qu’ils conservent en dépit de leur âge. Ainsi, la vieillesse n’est jamais admirable, affirment les antivieillesse. Face à eux, Cicéron conçoit la vieillesse comme une libération. Alors que nous passons notre vie à vouloir grandir, à être performants, l’entrée dans la vieillesse nous fait comprendre la vanité de ce culte de la performance.