1) Des chasseurs- cueilleurs
violents ?
Les anthropologues témoignent de ce que des chasseurs-cueilleurs, des populations qui n’ont pas encore franchi le cap de l’agriculture, se battent. On peut donc être tenté d’établir des parallèles avec la Préhistoire et penser, à l’instar de l’anthropologue Pierre Clastres, que les sociétés « primitives » sont violentes et que « leur être social est un être pour la guerre ».
Mais l’ethnologie est-elle, dans ce cas, bonne conseillère ? Les populations qu’elle décrit ne nous sont connues que depuis quelques siècles à peine. Certaines ont pu devenir belliqueuses tardivement, à partir du moment où, par exemple, elles ont été confrontées aux spoliations infligées par les colonisateurs blancs. C’est pourquoi le préhistorien doit d’abord se fier à ses propres données documentaires, tout en sachant qu’il lui sera difficile, à l’instant de leur interprétation, de se débarrasser de son intime conviction ou de la chape culturelle qu’il véhicule… Le cas du cannibalisme attesté à Trinchera Dolina (Espagne) vers – 800 000 ans et ponctuellement reconnu jusqu’au Néolithique, voire au-delà, donne ainsi lieu à des explications contradictoires : ingestion rituelle de proches ou consommation de victimes constitutives à un affrontement ?
2) Paléolithique : escarmouches ou massacres ?
Contrairement aux confrontations entre États, les conflits au sein des sociétés préhistoriques n’impliquaient certainement qu’un nombre réduit d’intervenants. Ils devaient se limiter à des raids et des escarmouches entre petits groupes. Peut-on alors parler de « guerres », c’est-à-dire d’affrontements entre deux communautés ? Ce que l’archéologue retrouve, ce sont des victimes et jamais des agresseurs. Est-on sûr, en présence d’une tuerie, que les victimes avaient également porté les armes contre leurs bourreaux ? Ne peut-on, justement, parler de « massacres », c’est-à-dire d’éliminations à sens unique, comme ce fut sans doute le cas à Talheim près d’Heilbronn (Allemagne) où une fosse commune, datée de – 5000, recélait pêle-mêle les corps de 34 personnes – hommes, femmes, enfants.