Lorsqu’elle se présente auprès de ses interlocuteurs, Élise Tancoigne a l’habitude se décrire comme « une historienne qui s’intéresse à l’industrie laitière ». En dépit des apparences, le travail de cette scientifique ne se limite pas à aller chercher des manuels sur une étagère poussiéreuse.
Sur la piste du reblochon
Au quotidien, É. Tancoigne traque les ferments, ces bactéries à l’origine de la fabrication de nos reblochons et de nos comtés, afin de reconstruire le récit oublié des savoir-faire fromagers. De ferme en ferme, au gré de ses entretiens, de la consultation d’archives et du recours à une méthode d’analyse statistique appliquée aux publications scientifiques (la scientométrie), la chercheuse est parvenue à retracer l’histoire de ces micro-organismes. Une démarche qui a permis de montrer que la modification des pratiques des fromagers dans les années 1980 a conduit à un appauvrissement de la diversité microbienne, du fait en particulier de la mécanisation et d’un durcissement des conditions sanitaires dans l’agroalimentaire. « Lorsque j’ai débuté mes recherches, personne n’avait encore enquêté sur ce problème de la disparition de la flore laitière. Il a fallu raconter cette histoire alors qu’elle n’avait jamais été transmise », explique t-elle. C’est en discutant il y a quelques années avec un fromager sur un marché à Genève qu’elle a eu le déclic. « Il m’a parlé d’une recherche collaborative qu’il menait avec une équipe de scientifiques sur les ferments du lait. Nous avons discuté pendant près d’une heure. J’ai commencé à m’intéresser au sujet, et j’y suis toujours ! », s’étonne t-elle. La passion pour le lait d’É. Tancoigne ne date pourtant pas d’hier.