« Le Pays du matin calme », « le Royaume des ermites », « Nouveau pays industrialisé », « Nouveau dragon d'Asie »... Par-delà les clichés auxquels on la réduit bien souvent, la Corée du Sud présente pour les sciences sociales de multiples motifs d'intérêt, tant sur les plans économique que culturel ou politique.
Sur le plan économique d'abord : en à peine une génération, la Corée du Sud est passée, à partir des années 60, du statut de pays parmi les plus pauvres de la planète à celui de puissance économique industrielle (la 15e mondiale pour le PIB). Depuis la crise asiatique, toute la question est de savoir ce qu'il adviendra du « modèle coréen », fondé sur un capitalisme d'Etat et l'existence de puissants conglomérats (les chaebol).
Sur le plan politique ensuite : depuis la fin des années 80, la Corée du Sud est engagée dans un processus de démocratisation qui s'est traduit en 1987 par la tenue des premières élections du président de la République au suffrage universel. Avec Taïwan, elle est ainsi le seul pays d'Asie à illustrer la théorie économique de la démocratie, selon laquelle la démocratisation est fonction du développement économique.
Sur le plan culturel enfin : comme dans d'autres pays, la mondialisation nourrit des débats autour du devenir des spécificités de la culture et de l'identité coréennes. Les débats sont d'autant plus intenses que la période de prospérité est allée de pair avec l'affirmation d'une certaine « coréanité ».
Malgré ces différents motifs d'intérêt, la Corée du Sud suscite peu, en France, l'attention des sciences sociales. S'il existe de nombreux connaisseurs de ce pays, on compte peu de spécialistes. C'est vrai en économie 1, mais aussi dans les autres disciplines des sciences sociales. Exceptés les coréanologues, spécialistes de langue et de civilisations coréennes, on recense actuellement à peine une quinzaine de chercheurs en sciences sociales ayant écrit ces dernières années sur la Corée. Souvent, il s'agit de spécialistes d'autres pays d'Extrême-Orient qui en sont venus à « couvrir » ce pays. A l'image de l'historien Claude Balaize, spécialiste du Viêt Nam, ou de Pezeu Massabuau, géographe (coauteur avec Alain Delissen des chapitres sur la Corée dans la nouvelle Géographie universelle dirigée par Roger Brunet 2) et, à l'origine, spécialiste du Japon et de son habitat. Auteur des chapitres consacrés à la Corée dans L'Etat du monde (La Découverte), Bertrand Chung est lui aussi spécialiste du Japon. En géographie, Valérie Gelézeau (université de Marne-la-Vallée) et Karine Grijol (université de Perpignan) sont les deux premières géographes françaises à avoir poursuivi des études de terrain, l'une sur la politique de logement, l'autre sur la transformation des villages coréens.