La notion de « troubles des conduites » est aujourd’hui connue du grand public par le biais des débats qui ont suivi le rapport d’expertise de l’Inserm de 2005 à ce sujet. En effet, certains aspects entraînèrent une vive réaction des professionnels de l’enfance concernés, réaction cristallisée dans une pétition rédigée par un collectif intitulé « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ». En particulier fut vivement contestée la proposition d’un dépistage précoce selon des critères comportementaux simplistes, appuyée sur une confusion entre prédiction linéaire et prévention, et sur un glissement entre troubles (concept médical) et délinquance (concept sociojudiciaire).
Deux conceptions différentes
Ces débats transdisciplinaires furent particulièrement utiles pour la profession et pour les usagers : ils mirent au jour et réduisirent quelque peu l’opposition entre deux conceptions différentes de la psychiatrie. L’une, francophone, sous-tendue par une approche psychopathologique, vise à comprendre le sens des symptômes en référence au fonctionnement mental, aux relations intersubjectives et à l’histoire du sujet pris dans un environnement socioculturel donné. Alors que l’autre, d’origine anglo-saxonne, se contente de décrire des symptômes au temps T, de les organiser en troubles et de les réduire, sans se soucier du fonctionnement psychique et de la souffrance qui les sous-tend, ni des facteurs relationnels, familiaux et sociaux qui ont pu contribuer à leur organisation.
Le terme de « troubles des conduites », dans les systèmes de classifications internationales actuelles, renvoie ainsi à des compilations de symptômes comportementaux facilement identifiables. Les conduites ou comportements incriminés deviennent des troubles quand ils s’avèrent bruyants et dérangeants pour l’individu et pour son entourage. Le point commun des différentes classifications relève de la transgression répétée des normes sociales, ce qui pose la question de la définition de celles-ci. Ces classifications se veulent objectives car indépendantes des conceptions psychopathologiques, juridiques et morales, vœu démenti par certaines définitions de symptômes très arbitraires et moralistes (par exemple, l’item 8 de la CIM 10 : « est souvent méchant ou vindicatif »). Le DSM-IV-TR définit ainsi le trouble en question : ensemble de conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l’âge du sujet. On doit ainsi retrouver différents symptômes dans une liste de 15, regroupés en 4 rubriques (agressions envers des personnes ou des animaux, destruction de biens matériels, fraude ou vol, violation grave de règles établies). Enfin, la perturbation du comportement doit entraîner une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel.