Franchir le cap de la retraite

On garde de la retraite l’image d’un changement difficile à négocier. Pourtant, celui qui quitte le monde du travail dispose de nombreuses ressources pour anticiper et négocier au mieux ce tournant majeur de la vie

Contrairement à une idée reçue, le passage à la retraite n’est pas aujourd’hui, en France, mal vécu : seul un retraité sur dix considère que ce moment a constitué pour lui une mauvaise période (1). En effet, nombre de mécanismes psychosociaux sont à l’œuvre, à la fois en amont et en aval de la cessation d’activité, qui, s’ils ne sont pas entravés, facilitent une transition en douceur.

Tout d’abord, avant même la fin de son activité professionnelle, le futur retraité prend peu à peu ses distances avec elle. Le fait d’être désormais tenu à l’écart des promotions ou des actions de formation, le sentiment de ne pas être en phase avec les nouvelles valeurs de l’entreprise ainsi que les interactions quotidiennes avec les collègues ou les proches, qui viennent rappeler que le changement de statut est pour bientôt, contribuent à cette désocialisation professionnelle anticipée. Joue également la forte désirabilité contemporaine de la retraite (2). D’un côté, en effet, les fins de carrières sont souvent difficiles pour les quinquagénaires, et la pénibilité psychologique et physiologique du travail s’est accrue au cours des vingt dernières années. De l’autre, le niveau de vie moyen des retraités s’est rapproché de celui des actifs, tandis que se diffusaient les valeurs d’épanouissement et de réalisation de soi. Bref, tout concourt à faire de la retraite une étape de l’existence attendue et valorisée.

Il arrive cependant que le mécanisme de désocialisation professionnelle anticipée soit bloqué, par exemple lorsque l’annonce de la préretraite tombe par surprise ou du fait d’un investissement particulièrement intense dans le travail.

(1) Enquête Insee, « Histoires de vie - Construction des identités », 2003. Citée Emmanuelle Crenner, « Être retraité : tourner la page du travail », , n° 979, 2004.(2) 57 % des Français de 50 à 59 ans ayant encore un emploi aspirent à prendre leur retraite « le plus rapidement possible », donnée par le Mannheim Research Institute for the Economics of Aging (MEA).(3) Robert K. Merton, , Free Press, 1949.(4) Voir Anne-France Wittmann, « Vieillir dans une cité : un double stigmate », n° 51, 2003.(5) Voir Vincent Caradec, , Presses universitaires de Rennes, 1996.(6) Anne-Marie Guillemard, , Armand Colin, 2003.