Un gourou charismatique, des adeptes soumis et radicalisés, une organisation communautaire centralisée et hiérarchisée : voici comme on se représente encore, la plupart du temps, le phénomène sectaire. Or cette image ne correspond plus forcément à la réalité. D’une part, beaucoup des grandes organisations mondialisées apparues au 20e siècle, dénoncées (au moins en France) comme étant des « sectes », se trouvent en perte relative de vitesse. C’est le cas de l’Église de l’unification – la secte Moon –, de l’Église de scientologie ou de l’Association internationale pour la conscience de Krishna. D’autre part, des mouvances ou des petites structures, centrées généralement sur une personnalité charismatique et développant des activités parfois très éloignées d’une recherche spirituelle, ont pris leur essor. Portées par la puissance des nouveaux outils numériques, elles développent des projets en rupture avec la société.
Depuis une quinzaine d’années, on voit ainsi émerger un marché particulièrement perméable aux dérives sectaires : le marché de la santé et du bien-être. Des influenceurs bien-être, des « thérapeutes » autoproclamés guérisseurs ou coachs de vie ont investi le domaine des médecines dites « alternatives », douces, holistiques, spirituelles, et des médecines traditionnelles. Certains de ces « naturopathes », devenus des influenceurs de premier plan, dénoncent de prétendus complots liés à l’exercice de la médecine scientifique, à la vaccination, aux « lobbies de la santé », au « Big Pharma » 1. La médecine scientifique considère les traitements proposés, en particulier les pratiques alimentaires extrêmes – tels le respirianisme, qui comprend des stages de jeûne de longue durée, ou le crudivorisme –, comme des dérives thérapeutiques et de nouvelles déclinaisons du charlatanisme médical.
En France, presque la moitié des signalements faits à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ou à l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unafdi) concernent le domaine de la santé ou du bien-être 2. Depuis 2009, la Cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), spécialisée dans les infractions pénales, traite un nombre réduit de dossiers en lien avec des contextes religieux. En revanche, « la majorité des procédures traitées vise des thérapeutes ou des coachs proposant des soins divers (parfois à distance) ou des séances de développement personnel, visant en apparence le bien-être des clients et en réalité l’enrichissement personnel démesuré des auteurs », relèvent en 2021 les auteurs d’un rapport du ministère de l’Intérieur consacré à la « Lutte contre les dérives sectaires ». Ses auteurs soulignent également « les effets déviants de certaines pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) ».