Homoparentalité : des débats aux réalités

L'adoption d'enfants par les personnes homosexuelles reste un sujet sensible à aborder. La première enquête française permet de relativiser la controverse.

Fin février 2002, la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu légitime le refus de l'Etat français d'accorder l'adoption d'un enfant à un homosexuel. Or, la procédure d'adoption est a priori ouverte à un célibataire. Mais le « choix de vie » du demandeur a été avancé comme motif principal de non-recevabilité de sa demande. De nombreuses associations (dont l'Association des parents gay et lesbiens) se sont insurgées, insistant sur le décalage qui existerait entre l'évolution des mentalités et les positions de la justice et des décisions politiques. Pourtant, il est difficile d'ignorer la réalité des familles homoparentales, qui peut prendre différentes formes : procréation médicalement assistée, passage d'une vie de couple hétérosexuel à l'acceptation de son homosexualité par l'un des deux parents, « contrat » entre deux couples homosexuels... Même s'il n'existe pas de statistiques précises sur le nombre d'enfants élevés par un ou plusieurs parents homosexuels, ce chiffre se situerait, aux Etats-Unis, entre un et neuf millions. Fourchette large mais révélatrice de l'ampleur de la situation. De nombreuses études sur les familles homoparentales sont menées depuis une vingtaine d'années par des sociologues et des psychologues, notamment dans le monde anglo-saxon. Stéphane Nadaud, pédopsychiatre, a réalisé, dans le cadre de sa thèse de médecine, la première étude française : Approche psychologique et comportementale des enfants vivant en milieu parental. 58 enfants, âgés de 4 à 16 ans, étaient concernés, mais les questionnaires utilisés ont été remplis par les parents homosexuels. Trois mesures ont été utilisées, le Child Behavior Checklist, l'EAS (Emotionality, Activity, Sociability), et le Coping Inventory (l'échelle la moins valide, car pour la première fois traduite en France et proposée à une population restreinte), pour estimer les activités et le comportement de l'enfant, son tempérament, et ses capacités d'adaptation. Les résultats de l'enquête se résument ainsi : s'il apparaît que les enfants élevés dans un contexte homoparental semblent plus timides, tout en ayant une meilleure adaptabilité que les enfants élevés dans un contexte hétérosexuel, « il s'avère que globalement leurs comportements ne varient pas fondamentalement de ceux de la population générale » 1. Ces résultats sont - et S. Nadaud le reconnaît - à prendre avec de nombreuses précautions : « Il ne s'agit donc pas d'affirmer que tous les enfants de parents homosexuels " vont bien ", mais d'apporter une pierre supplémentaire à l'édifice des études qui montrent déjà que leurs comportements correspondent à ceux des enfants de leur âge. Ce qui ne revient absolument pas à nier leur spécificité. »