Identités

Les identités nationales ont-elles encore un avenir ?

Il est tentant, alors que la paix semble être devenue notre seul horizon, de proclamer que le nationalisme s'est définitivement discrédité avec les crimes qui ont été commis en son nom. Ce serait oublier qu'il peut s'exprimer par d'autres voies que celle des canons. Si le remarquable processus d'intégration qu'a connu l'Europe depuis 1945 est actuellement en panne et ne parvient pas à franchir le cap de l'intégration politique, c'est précisément parce que les Etats-nations font de la résistance. Chacun cherche à s'affirmer, à faire sa place.

Cela peut prendre des formes très diverses. Tel Etat membre va chercher à renationaliser certaines politiques européennes qu'il juge trop coûteuses. Tel autre va promettre à ses contribuables des baisses d'impôts qui risquent de relancer l'inflation, au mépris du traité de Maastricht. Tel autre encore va tout faire pour que le capital de ses entreprises historiques ne passe pas entre les mains d'investisseurs étrangers... Le retour en force du nationalisme se traduit également par des événements électoraux qui, à force de se répéter, ont cessé d'être des surprises. Dans la plupart des pays membres de l'Union européenne, des formations populistes mettant en avant la préférence nationale ont prospéré ces derniers temps, que ce soit en France, en Italie, en Autriche ou aux Pays-Bas. Ici comme ailleurs, nous ne sommes pas à l'abri de ce « narcissisme des petites différences » dont parle Michael Ignatieff pour désigner les réactions suscitées par la mondialisation. Plus on ressemble aux autres, plus on a peur de perdre son identité, et plus on l'affirme de façon excessive, caricaturale et agressive.